Sivous connaissez cette expression, vous savez sans doute que le bouc émissaire est un individu à qui on fait porter la faute pour les autres. C’est celui que l’on déclare coupable. Cependant, vous ignorez peut-être que cette expression est empruntée à la Bible. Voyons un peu de quoi il s’agit au juste.
Attention il ne s’agit pas ici, de nier que le climat puisse s’emballer. C’est possible, mais nous n’en sommes pas certains non plus. [] Non, il est important de le dire, le climat, quelle que soit son évolution, ne doit pas servir de bouc émissaire à nos inconséquences.
LaDGS de Narbonne, bouc-émissaire d’un combat de chefs au sein de l’exécutif municipal ?! Ecrit par Michel Santo le 21 novembre 2017.Publié dans Accueil, Actualités, Chroniques narbonnaises, Politique. Je ne reviendrai pas ici sur les conditions administratives et juridiques dans lesquelles madame Umbach quitte ses fonctions de DGS de la Ville de
Unepartie de la profession semble convaincue de l’omnipotence de la publicité et de son pouvoir magique sur le monde. C’est peut-être aussi une clé de la compréhension du phénomène de bouc émissaire dont elle est la victime. Peut-être faut-il qu’elle se garde d’un excès d’idéalisation.
Commeon peut le constater, le bouc émissaire a un lien étroit avec nos émotions les plus enfouies, dont l’expression de la frustration, la manque de contrôle, la peur de l’imprévu et la gestion de la colère. Et la projection
Hightech Thématique suivie Ne plus suivre Facebook : L'universitaire à l'origine du scandale dit être un "bouc émissaire" Par Reuters le 21.03.2018 à 08h51 Lecture 2 min.
g8bJ. Résumé Plan Notes de l’auteur Texte Notes Citation Auteur Résumés Die Sündenbock-Interpretation des Antisemitismus stösst in weiten Fachkreisen immer noch auf Ablehnung, und zwar nicht zuletzt, weil man niemals von diesem Modell ausging, um theoretische Überlegungen anzustellen. Zunächst wird somit eine Kurzanalyse dieses Mechanismus als Regulativ in sozialen Krisenzeiten vorgelegt, wobei er in zweifacher Hinsicht genauer dargestellt werden soll angestrebt wird die Beschreibung seines Funktionierens sowie der unerlässlichen Voraussetzungen seines Wirkens — der Glaubwürdigkeit, Sichtbarkeit und Verwundbarkeit des Sündenbocks. Anschliessend wird der Versuch unternommen, aufzuzeigen, dass im Deutschland des 19. u. 20. Jahrhunderts die soziale Lage von breiten Bevölkerungsschichten die Ausbreitung des Antisemitismus erklärt. Der Nazi-Antisemitismus hat die Wirkungsmöglichkeiten dieses Mechanismus bloss auf ihren Höhepunkt getrieben. Si le modèle du bouc émissaire est assez largement refusé comme modèle explicatif de l’antisémitisme, c’est parce qu’il n’a jamais été théorisé. On s’efforcera donc, dans une première partie, de proposer brièvement une analyse de ce mécanisme de régulation des crises sociales, en cherchant à préciser à la fois comment il fonctionne et à quelles conditions – de crédibilité, de visibilité et de vulnérabilité du bouc émissaire – il peut être mis en œuvre. On tentera ensuite de montrer que dans l’Allemagne des XIXe et XXe siècles la situation sociale de larges couches de la population explique pourquoi l’antisémitisme s’est développé. L’antisémitisme nazi n’a fait que pousser à leur paroxysme les potentialités du mécanisme*. If the image of the scapegoat is usually rejected as an explanatory model of anti-Semitism, it is because it has never been the object of a theoretic approach. Thus shall we in a first part put forward a brief analysis of the scapegoat model as a system of regulation of social crises, and at the same time show how it works and what are the various conditions acceptability – recognition – vunerabilty of its appearance. In a second part we shall consider how in 19th and 20th century Germany the social situation of an important part of the population contributed to the development of anti-Semitism. Indeed, Nazi anti-Semitism did nothing but push to extremes the potential resources of this de page Notes de l’auteur* Les matériaux utilisés dans ces pages viennent d’une thèse de doctorat d’État, soutenue en mai 1986 à l’Université de Paris-Sorbonne, et dont une version abrégée est à paraître aux Éditions du Cerf. Texte intégral 1 – C’était la position, lors de la soutenance, de l’historien israélien Saul Friedländer. On retrouv ... 1Par ce titre, on a voulu proposer une lecture de l’antisémitisme allemand, et du nazisme en particulier, à l’aide du modèle du bouc émissaire ». Gomme une telle démarche va très généralement à l’encontre d’une attitude largement partagée, et pas seulement par les historiens du nazisme1, il a paru nécessaire d’insister plus sur ce modèle du bouc émissaire », pour en proposer une analyse relativement approfondie, que sur l’antisémitisme allemand, supposé connu. Comme tout effort de théorisation, il s’agit d’élaborer une grille de lecture qui puisse s’appliquer et donc rendre compte des événements historiques ; et comme cet effort de théorisation s’inscrit dans une perspective sociologique, c’est au niveau du fonctionnement des sociétés – et de la stratégie des acteurs qui les composent – qu’on tentera de comprendre la nature de l’antisémitisme. On s’excusera du caractère abstrait du discours il n’a pas semblé possible d’en faire l’économie. 2 – Cf. Le bouc émissaire, 7e volume du Rameau d’Or, 1935 trad. française, R. Laffont » coll. Bouq ... 3 – Jean-Claude Muller, Pouvoir et rituel. L’idéologie politique des chefferies Rukuba, thèse, Nanter ... 2Lorsqu’on parle de bouc émissaire », on pense bien évidemment au rituel du Jour de l’Expiation Lev. XVI, lorsqu’un bouc, tiré au sort et sur lequel le grand prêtre impose les mains, est emmené à Azazel », au désert, chargé des péchés de la communauté. Dans ce rituel, il y a mise à mort différée ; mais ce sur quoi il faut insister, c’est d’une part sur l’innocence de la victime sur laquelle s’opère le transfert, et d’autre part sur la purification qui en résulte, simultanément, pour le groupe qui se voit ainsi libéré du passé et introduit dans un futur où de nouveaux rapports peuvent s’instaurer. En un sens, on peut dire qu’on a là les caractéristiques essentielles du bouc émissaire sacrificiel, réparateur, que l’on retrouve dans la tradition chrétienne à travers la figure du serviteur souffrant. Mais cette notion, avec des connotations proches, se retrouve dans d’autres traditions, comme l’a montré J. Frazer2. Il s’agit toujours de trouver une solution au problème du mal – soit pour l’écarter, soit pour le réparer – à travers un rituel magique mis en œuvre par la communauté en tant que telle. La désignation puis l’expulsion hors du corps social du porteur du mal permet en même temps, et par contrecoup, la restauration du consensus à l’intérieur du groupe, et donc sa régénération. À la limite, et dans une interprétation cosmique du rituel – comme par exemple Muller3 a pu l’observer chez les Rukuba du Nigeria central, dans un rituel appelé kugo –, c’est le Monde qu’il s’agit de remettre en ordre », de réparer. 4 – C’est la tendance d’Henri Baruk dans Psychiatrie morale expérimentale individuelle et sociale, PU ... 5 – Cf. René Girard, La violence et le sacré, Grasset, 1972 ; Le bouc émissaire, Grasset, 1983 ; La r ... 6 – Pierre-André Taguieff, Sur une argumentation anti-juive de base. L’auto-victimisation du narrat ... 3Même si le rituel s’y prête – par référence à la notion de faute », de péché » –, il faut cependant éviter une interprétation morale, psychologisante, du concept du bouc émissaire4 ; tout autant d’ailleurs que l’interprétation fondamentaliste qui fait du bouc émissaire, à travers la maîtrise de la violence qu’il permet, le fondement du social5. En utilisant le concept de bouc émissaire », on veut signifier qu’on cherche à rendre compte du fonctionnement du social à l’aide de la représentation modèle d’un mécanisme – parmi d’autres possibles – qui permet aux acteurs sociaux de résoudre symboliquement certains problèmes qui se posent à eux, et qu’il leur serait socialement difficile de résoudre autrement. Certes, le choix du bouc émissaire n’est pas entièrement arbitraire – il doit satisfaire à certaines conditions –, mais ce qu’il faut d’abord analyser, c’est le processus même de l’action collective et la croyance sur laquelle elle repose. Il faut comprendre pourquoi les acteurs sociaux ont recours à ce type de stratégie, et, refusant le piège du discours auto-victimaire6, s’intéresser d’abord au bourreau avant d’envisager le rôle de sa victime. 1 – Le fonctionnement d’un système 7 – Jean Piaget, Biologie et connaissance, Gallimard, 1967, p. 243 sq. 8 – W. R. Ashby, Requisite variety and its implication for the control of complex systems », Çybern ... 4On peut considérer que toute société – et tout segment de celle-ci toute organisation formellement définie – est un système qui, dans des conditions normales et optimales de fonctionnement, dispose d’une certaine marge de manœuvre pour répondre à la variabilité des situations. Le système est alors capable de gérer les perturbations de son environnement dans la mesure où celles-ci restent à l’intérieur de certaines limites, il maîtrise différents processus qui lui permettent soit de s’adapter aux perturbations – assimilation et accommodation, au sens de J. Piaget7 –, soit d’apporter une solution aux perturbations elles-mêmes – feedback rééquilibrant, négatif. Un système rigide sera alors un système qui n’accepte de s’adapter qu’à de faibles perturbations, tandis qu’un système souple acceptera une plus grande variabilité. On retrouve là la loi de variété requise » d’Ashby8. Et on peut ajouter ici que si, synchroniquement, il y a des différences entre systèmes, un même système peut, diachroniquement, évoluer, par exemple se rigidifier par épuisement de ses réserves et donc par abaissement de niveau de sa variété propre. 5La question est alors de savoir ce qui se passe lorsque, dans l’environnement d’un système ouvert et du fait tout autant du degré d’anormalité de la perturbation que du degré de rigidité du système, cette limite acceptable est dépassée, soit en nature, soit en amplitude. Dans le premier cas, il s’agit de l’apparition de l’ inconnu » subjectif au sens propre, d’un événement qui n’a encore jamais été expérimenté par le système et pour lequel celui-ci ne dispose pas immédiatement de réponse » adéquate ; dans le second, les réponses disponibles risquent de n’être pas appropriées et leur mise en œuvre ne pas avoir un effet suffisant pour résoudre la crise qui découle de la perturbation. Dans les deux cas, il y a blocage des possibilités inventives, limitation dans l’élaboration des projets, repli sur des positions défensives. À moins d’éclater, ce qui serait proprement contraire à son but qui est de subsister, le système va devoir gérer la perturbation, et, ne disposant pas d’assez de variété pour la gérer comme telle c’est-à-dire y adapter son organisation, il va utiliser un mécanisme réducteur, d’autodéfense et de protection individuelle ou collective, pour ramener la perturbation à quelque chose de connu, de stéréotypé. 9 – Henri Atlan, Entre le cristal et la fumée. Essai sur l’organisation du vivant, Le Seuil, 1979, p. ... 6Ce mécanisme ou processus que H. Atlan9 appelait d’évitement de la crise » transforme le signal qu’est la perturbation en signe – c’est-à-dire qu’il le charge symboliquement et donc affectivement –, en même temps qu’il procède à un changement de plan pour permettre le passage à l’action – et par là favoriser la catharsis. L’apparition d’une perturbation anormale – incident, catastrophe – et des conséquences non souhaitées qui en découlent pour le système, pour son organisation et son fonctionnement, provoquent, chez les acteurs, anxiété et tension. Ces derniers ne peuvent que constater la perturbation c’est une information qui ne contient pas en elle-même son sens et son explication, et est donc proprement incompréhensible ». Mais cela ne peut être satisfaisant pour l’esprit qui cherche à comprendre c’est-à-dire à décoder, ni pour l’action qui a besoin de s’appuyer sur une compréhension – même erronée – des situations. D’où la transformation du signal en signe, passage du plan de la réalité tangible à celui des symboles, abstraits et conventionnels, c’est-à-dire en un rapport, arbitraire et codé, entre signifiant et signifié. Faire signe, c’est donner sens à la perturbation en lui trouvant une cause, réelle ou symbolique, que cette cause soit élaborée pour répondre à la crise elle-même ou, plutôt, que l’on puise dans le stock disponible, dans les modèles culturels dans la mémoire du système, des causes déjà plus ou moins institutionnalisées et ritualisées. 7Dans le cas du bouc émissaire, cette cause est à la fois exogène et individualisée elle est exogène puisqu’elle renvoie à autre chose qu’à la perturbation elle-même et qu’elle court-circuite l’examen des causes réelles – matérielles et/ou mentales – qui sont à l’origine de la perturbation et de sa transformation en crise ; elle est individualisée puisqu’elle fait explicitement appel à la responsabilité sous ses deux aspects de causalité et de volonté d’un être ou d’un groupe. Non seulement l’être et le groupe sont considérés comme étant en mesure de provoquer – d’être à l’origine de – la perturbation, mais encore on leur attribue la volonté de l’avoir engendrée par inadvertance ou par malignité. 2 – Conditions d’acceptation d’un bouc émissaire donné 10 – Cf. Jacques Mélèse, Approche systémique des organisations. Vers une entreprise à complexité humai ... 11 – Une analyse psychanalytique de ce processus a été proposée par Imre Hermann, Psychologie de l’ant ... 12 – Cf. Jean-Léon Beauvois et Robert Joule, Soumission et idéologies. Psychosociologie de la rational ... 8On a donc ici un mode de régulation très spécifique des situations de crise puisqu’il ne s’agit pas, comme dans le cas des feedback classiques, d’une rétroaction informationnelle ou énergétique qui transforme plus ou moins automatiquement une sortie en entrée, mais d’un processus d’action10 dont l’effet est de réduire la tension née de la crise par projection sur un objet » marginalisable11. Il y a refus de modifier l’organisation du système – même si celui-ci tendra, par la suite, à évoluer si la perturbation n’est pas accidentelle – et établissement d’une connexion nouvelle » entre la perturbation et une cause symbolique même si elle est puisée dans la mémoire du système. Quelles que soient les conditions de mise en œuvre de ce processus, qui renvoient au système lui-même, à sa structure et donc au pouvoir qui s’y exerce, le mécanisme du bouc émissaire tient son efficacité régulatrice de lui-même, et parce que les acteurs sociaux acceptent – consciemment ou inconsciemment – cette efficacité. En cela, c’est un processus de rationalisation12 qui permet d’accéder à une cohérence des représentations individuelles et /ou sociales en donnant une explication » apparemment rationnelle à la crise ; un tel processus s’inscrit donc dans une, ou au confluent de plusieurs stratégies essentiellement symboliques. 13 – G. Bonazzi, Pour une sociologie du bouc émissaire dans les organisations complexes, Sociologie du ... 14 – Cf. L. Berkowitz et J. Green, The stimulus qualities of the scapegoat, Journal of abnormal and so ... 9En mettant l’accent sur l’acceptation des acteurs sociaux, condition nécessaire du fonctionnement du processus d’émissarisation, on retrouve le concept de crédibilité » utilisé par G. Bonazzi13. En plus de la visibilité » et de la vulnérabilité », un bouc émissaire devra, pour être socialement crédible, posséder un certain nombre de qualités » dont on pourra faire état dans la quasi-négociation qui mène à sa désignation-acceptation. Dans le cas d’organisations complexes formelles, c’est sa position hiérarchique, c’est-à-dire son rapport au pouvoir, qui apparaît comme la plus importante sa marginalité – personnelle ou occasionnelle – n’étant que seconde, même si elle permet d’accroître la crédibilité du bouc émissaire en lui donnant une certaine visibilité. Dans le cas de systèmes plus vastes, on pourrait penser en suivant R. Girard que c’est la marginalité des victimes qui renforce leur crédibilité. Et le fait que les victimes soient parfois préparées » à leur rôle de victime semble appuyer cette analyse. Mais cette marginalité, étant interprétée en termes de monstruosité, renvoie elle aussi à la notion de pouvoir, non plus de participation au pouvoir au sein d’un ensemble hiérarchique, mais de contre-pouvoir, de pouvoir maléfique qui sert d’explication ultime à la crise elle-même. Peu importe la réalité objective, la différence qui marque » le bouc émissaire ; sa crédibilité s’appuie, dans tous les cas, sur la croyance, le plus souvent non fondée, qu’il détient un pouvoir suffisant pour provoquer la crise, que sa position dans le système lui permet d’agir sur son fonctionnement et de le perturber ; qu’il peut donc être cause et responsable de ce qui advient14. Un bon » bouc émissaire est alors celui pour lequel la croyance en un pouvoir occulte de niveau acceptable est suffisamment répandue dans le système pour que les acteurs consentent à le considérer comme tel. C’est aussi ce qui explique que, selon les sociétés et au sein même d’une société, on peut trouver plusieurs types de bouc émissaire celui qui est bouc émissaire dans une société est celui qui est le plus crédible, compte tenu des modèles culturels et donc du système de croyance qui ont cours dans cette société à un moment donné ; et s’il y a plusieurs boucs émissaires, simultanément ou concurremment, c’est qu’ils remplissent des fonctions distinctes – ils ne sont pas utilisés dans les mêmes contextes – ou que leur degré de crédibilité n’est pas identique pour l’ensemble des acteurs sociaux. 15 – René Girard, La route antique des hommes pervers, Grasset, 1985. 10Mais, en même temps, le bouc émissaire ne peut posséder de pouvoir réel suffisant, car dans ce cas il lui serait possible d’échapper à son rôle. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est préparé, conditionné, afin de n’être pas en mesure de résister efficacement au rôle qu’on lui fait jouer. Si tel était le cas, c’est le mécanisme même du bouc émissaire qui ne pourrait plus fonctionner la résistance de l’éventuel bouc émissaire désigné, comme le montre R. Girard15 en étudiant Le Livre de Job ou encore Antigone de Sophocle, bloque le déroulement du processus et en révèle l’inanité. Pour que le mécanisme victimaire puisse aboutir à son terme – qui est la résolution de la crise au sein de la communauté – il faut que la victime soit dans l’impossibilité volontaire ou contrainte de résister à ce qu’elle subit, qu’elle soit en quelque sorte consentante » au rôle qu’on lui fait jouer, en tout cas qu’elle soit vulnérable. Ainsi, la crédibilité d’un bouc émissaire donné sera fonction à la fois de son absence de pouvoir réel et de la croyance qu’il possède un pouvoir occulte, fantasmé, dont sa marginalité – sa monstruosité – est le signe. 16 – Niel J. Smelser, Theory of collective behaviour, London, 1962. 11Le rôle joué par ce que N. J. Smelser16 appelle les prérequis de la formation et de la diffusion du processus d’émissarisation apparaît comme central dans l’établissement de cette crédibilité – et en constitue en quelque sorte sa plausibilité ». Non seulement l’attitude de autorité » compétente constitue l’un des paramètres à prendre en compte, mais aussi l’assise réelle sur laquelle peut se développer la croyance, d’une part, et des conditions de généralisation de cette croyance, d’autre part. Une croyance, même irrationnelle, ne peut devenir socialement acceptable que si elle repose sur un certain nombre de données factuelles, dont l’interprétation contribue à la croyance. Pour cela, tout clivage ou marquage antérieur à l’apparition de la crise, de même que toute institutionnalisation préalable d’un type de bouc émissaire donné, peut fournir cette base factuelle sur laquelle s’édifie la croyance. On peut ajouter ici, à propos du débat sur l’innocence ou la culpabilité de la victime bouc émissaire, que cette croyance en un pouvoir occulte est d’un autre ordre que ce que la victime est et fait elle-même ; mais que ce qu’elle est et fait – volontairement ou forcée – concourt à la croyance. Ainsi le rôle joué ou tenu par la victime dans la vie réelle peut aider à la formation et à la diffusion de cette croyance, alors que cette victime reste innocente » de ce qui fait l’accusation même sur laquelle se fonde le mécanisme du bouc émissaire. Le caractère stéréotypé et parfois contradictoire de l’accusation en est un indicateur. 17 – J. Gallagher et P. Burke, Scapegoating and leader behaviour, Social Forces, 1974, n°19, p. 481-48 ... 18 – Serge Moscovici, Psychologie des minorités actives, PUF, 1979, p. 121 sq. 12Mais encore faut-il, pour que la croyance ne reste pas au stade du discours et qu’elle puisse engendrer l’action collective, qu’elle ait été répandue à travers le système, afin de devenir une représentation suffisamment commune pour être prégnante. La généralisation de la croyance, sa diffusion à travers le corps social et sa réception comme une évidence non critiquable par le plus grand nombre constituent donc des conditions du passage à l’acte. Tout ce qui facilite cette généralisation, et en particulier la position de pouvoir de celui ou de ceux qui se chargent de la diffusion de la croyance, facilite en même temps la crédibilité sociale du bouc émissaire désigné17. L’autorité et le savoir-faire des diffuseurs », leur style de comportement »18 sont ainsi des conditions qui aident à la généralisation de la croyance, en lui donnant en quelque sorte un aval et en accroissant sa crédibilité. C’est ce qui explique aussi que l’expérience personnelle a peu d’influence sur la croyance, même et surtout si elles sont en contradiction. 19 – Denise Van Caneghem, Agressivité et combativité, PUF, 1978, p. 124. 13La désignation-acceptation d’un bouc émissaire aboutit à la résolution de la crise. Cette résolution s’opère, à travers l’action collective, par catharsis. Comme le remarque D. Van Ganeghem19, il faut distinguer deux formes de catharsis la catharsis d’abréaction qui libère les individus de leur tension affective, et la catharsis d’intégration qui oriente la dynamique personnelle vers d’autres objets en même temps qu’elle élève les seuils de tolérance aux frustrations. Ces deux dimensions sont présentes au sein du processus de résolution de la crise par le mécanisme du bouc émissaire. À la fois, l’action contre le bouc émissaire constitue un moyen pour l’individu de se décharger sur l’autre du potentiel de tension accumulé dans la phase préliminaire où le constat de la crise engendre l’anxiété ; mais aussi, le fait de partager en groupe les mêmes croyances et d’agir en commun contre un bouc émissaire extériorisé par rapport au groupe entraîne une identification qui constitue une réponse à la situation de perte d’identité née de la crise. On peut ajouter qu’il n’est pas nécessaire que les acteurs soient physiquement rassemblés pour que le mécanisme puisse fonctionner il suffit que la croyance soit partagée, d’où l’importance de la propagande. 14Le type de sanction » infligée à la victime tout autant que la possibilité de répétition du rituel formel ou non sont liés à ces deux formes de catharsis et sont à interpréter en fonction des modèles culturels qui ont cours dans le système social considéré. Il n’est pas vrai que le bouc émissaire doive être nécessairement tué – même si c’est là une forme courante de sanction » infligée à un bouc émissaire. Une sanction moins drastique peut être aussi efficace, dans la seule mesure où elle est acceptée par le groupe, et donc crédible pour lui, compte tenu de son système de représentation. Il s’agit de faire en commun catharsis d’intégration une action suffisante pour provoquer la décharge de la tension catharsis d’abréaction en se ménageant la possibilité de refaire la même action ou une autre ayant un effet semblable, si la situation l’exige. Mais il est vrai, comme le remarquait R. Girard, que ce qui est institutionnalisé, ritualisé, risque de s’user mémoire et censure pouvant ici jouer un rôle dans l’usure du rituel, en faisant évoluer les modèles culturels du système, et que pour atteindre un effet semblable il faille soit augmenter la dose », soit rechercher un autre bouc émissaire plus performant, soit encore abandonner le mécanisme lui-même du bouc émissaire pour se résoudre à des changements dans l’organisation du système, afin d’apporter une réponse adéquate à la crise elle-même. 3 – Essai de formalisation 15On peut résumer cette première analyse du mécanisme du bouc émissaire en notant que tout système social comporte plusieurs types d’acteurs. Deux en particulier ont des rôles spécifiques les autorités » qui disposent du monopole du pouvoir de décision à l’intérieur du système même si c’est en relation avec tous les autres acteurs, et les meneurs » qui jouent un rôle dans l’élaboration et la diffusion des représentations socialement acceptables par le groupe, et donc des cadres de références idéologiques à l’intérieur duquel l’action doit nécessairement s’inscrire. Ces deux types d’acteurs peuvent n’en faire qu’un, dans des situations concrètes réelles, mais, leurs rôles n’étant pas identiques, il convient de les distinguer. Dans la mise en œuvre des persécutions antisémites, la position respective de ces deux types d’acteurs – qui occupe le supremum du système ? – est cardinale. Normalement, l’ autorité », qui dispose de la légitimité et du monopole de la violence, est maîtresse du jeu. Ce n’est donc que si elle acquiesce, de son plein gré ou non, à la croyance commune, ou si elle démissionne devant elle, que la stratégie du bouc émissaire pourra être décidée. 16Dans le cas d’une société en situation de fonctionnement anormal, le groupe d’acteurs est soumis à une perturbation quelconque. Dans l’interface entre le système des acteurs et l’environnement, si la perturbation est perçue comme crise », elle est source d’anxiété dont les acteurs vont tenter de réduire les effets. Ces acteurs disposent d’un certain nombre d’informations – souvent incomplètes et même erronées – à la fois sur la structure de leur propre système en particulier sur son agencement en divers éléments et sur les clivages qui le traversent, sur la nature de la perturbation et – en consultant la mémoire du système – sur les solutions qui ont déjà été adoptées si tel est le cas pour résoudre les perturbations identiques ou similaires. Ainsi va s’élaborer, au sein du groupe d’acteurs tout entier, une image ou représentation de la crise qu’il subit, et de la causalité à laquelle elle peut être rattachée. Cette image ou représentation peut être directement puisée dans les modèles culturels du groupe et/ou se former sous l’influence d’un ou de plusieurs acteurs – les meneurs » – qui proposent au groupe leur interprétation de la situation. Pour aboutir à l’adoption par le groupe d’une représentation donnée – d’une croyance socialement acceptable – il faut, d’une part, que celle-ci présente un niveau suffisant de crédibilité, c’est-à-dire qu’elle soit cohérente avec ce que les acteurs perçoivent de la situation globale, et qu’elle leur paraisse suffisamment liée à la crise elle-même ; il faut, d’autre part, qu’elle se soit diffusée dans le groupe afin de devenir la représentation acceptée du plus grand nombre. 17Dans ces conditions peut se dessiner pour le groupe une stratégie d’action qui, à terme, permet de résoudre la crise. Si la stratégie choisie est celle du bouc émissaire, la résolution de la crise s’opère par catharsis – en provoquant à l’intérieur du groupe un mouvement de solidarité, en même temps que se réalise une décharge de tension par le rejet de la victime désignée. À plus long terme, cette stratégie d’action peut réagir feedback à la fois au niveau des modèles culturels et donc sur la mémoire du système en fournissant un exemple d’application du mécanisme du bouc émissaire dans une situation donnée – et, si ce mécanisme a déjà été utilisé, il s’agira d’un exemple supplémentaire qui, selon les conditions, peut jouer ou non un rôle de renforcement, et au niveau de la structuration du système où le mécanisme peut engendrer ou renforcer les clivages qui seront utilisés par la suite comme source de crédibilité. 18Ainsi, le modèle du bouc émissaire permet, nous semble-t-il, d’intégrer dans un ensemble plus complexe plusieurs théories partielles. C’est un modèle du comportement de l’acteur les théories psychologiques et psychanalytiques tirées de l’observation des acteurs permettent d’éclairer le choix-acceptation de ce type de stratégie, à travers les caractéristiques de la personnalité et de l’histoire de chaque acteur. En même temps, le modèle du bouc émissaire fait appel à la notion de modèle culturel de mémoire on peut considérer que les théories idéologiques sont des tentatives d’explication de la formation de ces modèles culturels de cette mémoire, à travers d’une part l’histoire et d’autre part l’élaboration de l’identité du groupe. De plus, la stratégie du bouc émissaire utilise des représentations codées de la victime les théories du discours offrent les outils de décryptage nécessaires. Par ailleurs, la désignation d’un bouc émissaire donné s’appuie sur la réalité des clivages qui traversent le système social, et renvoie donc à l’analyse des contacts entre groupes et de la structure de classes. Enfin, la mise en œuvre d’une stratégie de bouc émissaire a une finalité politique, liée soit à la conquête, soit au maintien d’une position de pouvoir, et relève donc d’une analyse du fonctionnement politique du système, groupe ou société. B – Le cas de l’antisémitisme allemand 20 – Cf. Saul Friedländer, L’antisémitisme nazi. Histoire d’une psychose collective, Le Seuil, 1971, p ... 21 – Shulamit Volkov, Antisemitism as a cultural code. Reflexion on the history and historiography on ... 19Il est banal de rappeler que le contexte allemand, en ce qui concerne l’antisémitisme, est spécifique présence continue de communautés juives importantes, influence de l’antijudaïsme luthérien, imposition en mars 1812 de l’émancipation à la suite des conquêtes napoléoniennes20. En fait, sur le fond de l’antisémitisme médiéval resté vivace, il y a, tout au long du XIXe siècle en Allemagne, réutilisation et réactualisation des mêmes réflexes pour répondre à la nouvelle situation née de la modernité. Avec le nazisme, il y a à la fois continuité des thèmes et renouvellement des significations21 dans un contexte différent, en particulier du fait de la nature pseudo-religieuse » du régime. Une partie notable de la classe cultivée, en particulier de la classe aristocratique et de la classe moyenne, utilisa l’antisémitisme et l’idée d’une conjuration juive contre l’Allemagne pour rendre compte de la crise morale qui apparaît dès le XIXe siècle et qui va se prolonger et s’exacerber à travers le XXe siècle, la République de Weimar et le IIIe Reich. 1 – L’Allemagne wilhelmienne la crise morale 22 – Pierre Vaydat, Philosophie allemande et ethnocentrisme au commencement du XIXe siècle, Annales du ... 23 – P. G. Pulzer, The rise ofpolitical anti-semitism in Germany and Austria, New York, 1964 ; Richard ... 24 – Hans Rosenberg, Grosse Depression und Bismarckzeit, Berlin, 1967 cité par Saul Friedländer, L’an ... 20L’émergence de la Nation allemande », en effet, à partir d’une conception linguistique et culturelle qui avait été celle de Goethe et de Lessing22, est perçue comme la réalisation d’une potentialité largement mythique puisque définie comme une négation le morcellement de l’Allemagne est vu comme une conséquence de la politique des autres États européens, en particulier de la France. La mise en œuvre du processus d’unification allemande, engagé sous la direction de Bismarck après la victoire de la Prusse sur l’Autriche en 1866 et qui s’accélère après le conflit franco-prussien de 1870 et la création du Reich en 1871, en exacerbant le nationalisme, provoque en fait une crise profonde dont les conséquences politiques et sociales alimenteront les poussées antisémites. Et cela d’autant plus que l’idéologie antisémite va servir d’arme politique, d’abord à travers des partis explicitement antisémites, ensuite par les grands partis établis et à partir de 1879 par le chancelier lui-même23. Il s’agit donc d’une crise d’identité dont l’issue sera nécessairement particulariste, centrée sur la supériorité allemande – recherche d’antériorité, d’authenticité, de pureté – et sur le rejet des ennemis extérieurs et intérieurs à l’Allemagne. Cette crise se trouve encore amplifiée par l’accroissement démographique, qui exerce tout au long du XIXe siècle une forte pression sur l’ensemble du système social, avec en particulier l’apparition d’une classe moyenne urbaine de plus en plus nombreuse ; et par le contexte économique qui est, dans la seconde moitié du XIXe siècle, celui d’un développement industriel extraordinairement accéléré – parce qu’en retard sur celui des autres pays de l’Europe de l’Ouest – et qui n’est pas exempt de soubresauts conjoncturels, comme les deux récessions particulièrement sévères de 1873-1878 et de 1890-189424. 25 – Cités par Saul Friedländer, L’antisémitisme nazi, Le Seuil, 1971, p. 73. Voir aussi Jean-Pierre ... 21Les conséquences sociales de ces transformations sont immenses remodelage de la hiérarchie sociale elle-même, introduction d’un nouveau système de valeurs conduisant en fait à un nouvel exercice de l’appartenance sociale. La réaction dans les milieux qu’on peut appeler conservateurs » au sens large, mais aussi dans certains milieux de gauche qui condamnaient le développement du capitalisme sauvage, fut alors une très profonde inquiétude sociale et culturelle. Ils en appelaient de ce fait à un nationalisme autoritaire », à un gouvernement qui saurait rétablir l’ordre, et voyaient dans la soumission de l’individu à la communauté nationale » la seule alternative au matérialisme et à l’égoïsme modernes ; et cela d’autant plus facilement que, depuis Luther, la pensée allemande était fortement ancrée dans le principe de l’obéissance aux autorités constituées. Ce nationalisme prit alors une forte connotation raciste puisqu’il était fondé sur l’exaltation de tout ce qui était Allemand », sur le sol et le sang. Lorsque Bockel par exemple écrit que le peuple allemand doit, grâce à l’antisémitisme, apprendre à se sentir à nouveau en tant que race germanique opposé à la race juive », ou lorsque Paul de Lagarde affirme que les Juifs, comme étrangers, empêchent l’achèvement de la mission raciale du peuple allemand »25, ils montrent comment, sous des expressions racistes, les Juifs leur servent de substitut à un sentiment national peu assuré, et que leur expulsion a pour objet de réaliser une homogénéisation artificielle. 22On retrouve ici le processus d’émissarisation qui permet de s’affirmer par la négation de l’autre. Gomme les Espagnols du XVIe siècle, les Allemands du XIXe siècle semblent dans des conditions différentes qui indiquent les limites de l’analogie avoir besoin d’un groupe suffisamment distinct – au moins dans l’imagination populaire – et traditionnellement méprisé comme faire-valoir de leur propre identité. Ils se donnent un bouc émissaire dans le Juif honni afin de suppléer à l’absence des fondements nécessaires à une définition concrète de leur identité nationale. Il s’agit donc bien de la quête d’une identité culturelle, mais définie négativement. Que les Juifs aient loyalement essayé de s’intégrer dans la société qui, légalement, leur avait ouvert ses portes n’entre pas ici en ligne de compte, dans la mesure où ce n’est pas le Juif réel mais le Juif imaginaire – miroir de l’Allemand imaginaire qu’on cherche à élaborer – qui se trouve au fondement du mécanisme. Partant de cette donnée de base que le Juif était dangereux », l’assimilation pouvait même alors être interprétée comme une stratégie d’infiltration qu’il fallait contrer. 2 – L’Allemagne de Weimar l’impuissance de la République 26 – Léon Poliakov, Histoire de L’antisémitisme, IV L’Europe suicidaire, Calmann-Lévy, 1977, p. 350. 23Après la défaite de 1918 et les révolutions qui ont suivi – et où de nombreux Juifs, réels ou imaginaires, jouèrent un rôle qu’on eut tôt fait d’exagérer –, l’établissement de la République de Weimar n’apporta nullement la paix sociale espérée. Dès le début, le gouvernement réformiste libéral dut faire face à des contestations qui affaiblissaient le régime et permirent surtout une agitation de droite que la pseudo-stabilité des années 1924-1929 ne fit qu’occulter temporairement, et que l’élection du maréchal Hindenburg en 1926 accentua. Or cette république tant décriée fut, sans tarder, caractérisée comme une république juive » – de la même manière que les révolutions, celle de Russie réussie, celles manquées d’Allemagne, étaient des révolutions juives ». Pourtant le nombre des politiciens juifs, s’il fut relativement important au moment de la création de la République, fut bien discret au cours des quatorze années de son existence et au sein des dix-neuf ministères qu’elle compta26. Ils furent finalement moins nombreux sous Weimar que sous le Second Reich. 27 – Cf. Michael N. Dobkowski et Isidor Wallimann éd., Towards the Holocaust. The social and economi ... 28 – Walter Laqueur, Weimar, a cultural history, 1918-1933, London, 1974. 24Plusieurs éléments permirent d’accréditer cette assimilation la participation de Walter Rathenau au gouvernement ses assassins croyaient qu’il était l’un des Sages de Sion, dont les Protocoles étaient censés être le programme27 ; la part prise par un certain nombre de Juifs, en particulier par des hommes comme Krauss à Vienne, Tucholsky à Berlin, à la vie culturelle de Weimar28. Ainsi, la haine des milieux conservateurs se trouva-t-elle exacerbée par l’impression que les Juifs, en général, tiraient parti de la position qui leur avait été offerte par la République pour attaquer l’Allemagne ou la mettre en péril. Par ailleurs, le contact pendant la guerre de l’armée allemande avec les Juifs de l’Est, essentiellement du schtetl polonais, avait fait découvrir une population traditionnelle, à l’aspect extérieur étrange, souvent misérable, très différente des Juifs assimilés d’Allemagne. Cette rencontre avec le Juif conforme à la caricature antisémite sera pour beaucoup une révélation, en même temps que la démonstration de l’authenticité de cette caricature. Cette impression sera encore renforcée, au cours de la guerre, par l’arrivée de 35 à 40 000 travailleurs juifs polonais transférés dans le Reich. Si la proportion des Juifs dans la population allemande est plus que modeste – 0,9 % en 1925, 0,9 % en 1933 –, leur concentration dans certaines régions et dans certaines villes, et le maintien d’une immigration de Juifs de l’Est accentuèrent leur visibilité, rendant par là possible la propagande antisémite. Ainsi la transformation de la question sociale » en une question juive », l’attribution des malheurs de l’Allemagne à la présence juive et à son activité anti-allemande, qui avaient déjà été suggérées avant la guerre, vont devenir dans les premières années de la République de Weimar une évidence pour une fraction de plus en plus importante de la population. 29 – Norman Cohn, Histoire d’un mythe. La conspiration mondiale juive et les Protocoles des Sages de ... 30 – Pierre Sorlin, L’antisémitisme allemand, Flammarion, 1969, p. 68. 31 – Cf. Norman Cohn, Histoire d’un mythe, Gallimard, 1967, p. 137. 25D’autant plus que la légende du coup de poignard dans le dos », formulée dès la fin de la guerre par le maréchal Hindenburg pour rendre compte de la défaite, se trouve rapidement accéder au statut de credo officiel. La théorie du complot, dans le contexte de la crise économique, pouvait alors se développer sans résistance, d’autant plus que la simultanéité des mouvements révolutionnaires en Russie 1917 en Allemagne 1919, en Autriche et en Hongrie, encourageait cette vision d’un animateur unique poursuivant un seul but. C’est en 1920 que les Protocoles des Sages de Sion furent traduits en allemand29. On peut-être surpris de l’audience que ce programme délirant de conquête mondiale, exposé par un Juif inconnu, devant un public indéterminé, dans des circonstances obscures et sans lieu défini »30 a rencontré – et rencontre toujours – dans le public. Mais sa fonction sociale dans l’Allemagne en crise, où il sert à déculpabiliser et à rassurer toute une partie de la population, depuis l’armée jusqu’aux classes moyennes dont les positions politiques et économiques risquaient d’être déstabilisées, explique qu’un tel faux ait pu paraître conforme à la réalité imaginée ; d’autant plus que ce type de littérature, donnant bonne conscience à ceux qui cherchaient à rejeter sur d’autres la responsabilité de leur propre incapacité, s’était abondamment multiplié31. 26Par de multiples aspects, politiques, économiques, sociologiques, idéologiques, l’antisémitisme sert, à l’époque de la République de Weimar, de dénominateur commun à tous ceux qui, pour des raisons diverses, s’opposent à la société qui se construit sous l’égide, du libéralisme. L’anticapitalisme de droite et de gauche et l’antiparlementarisme des nostalgiques de la monarchie se retrouvaient sur ce seul terrain commun possible avec tous ceux que la guerre, la défaite et la crise avaient ébranlés et même angoissés ; mais tant qu’ils restaient dispersés au sein de multiples groupes et fractions que tout le reste séparait, tant que leurs intérêts profonds divergeaient et qu’aucun mouvement de rassemblement ou qu’aucun fédérateur ne venait contrebalancer, cet antisémitisme violent, généralement verbal et théorique, mais à l’occasion physique, ne pouvait dépasser un certain seuil ; et peut-être même ne le cherchaient-ils pas. Les Juifs étaient d’excellents boucs émissaires pour l’Allemagne, non parce que leur exclusion permettait de résoudre efficacement les problèmes qui se posaient à elle – et qui, comme l’instabilité économique, l’impuissance politique, la désorganisation sociale et l’inquiétude morale, ne faisaient que devenir de plus en plus aigus d’autant plus qu’on refusa, de fait, aux rares hommes qui tentèrent quelque chose les moyens de leur politique. Les Juifs étaient d’excellents boucs émissaires parce qu’ils évitaient aux Allemands de s’attaquer à cette tâche, et par l’accusation de complot apportaient l’explication, satisfaisante pour beaucoup, du désastre où ils étaient plongés. Mais ce sentiment diffus de la responsabilité » juive, politiquement efficace dans une conjoncture particulière, restait instable ; pour conduire à une persécution systématique, il fut nécessaire de le théoriser de manière cohérente et de l’organiser au sein d’une stratégie d’exercice du pouvoir ce fut l’œuvre d’Hitler et du nazisme. 3 – L’Allemagne nazie la perversion des normes dans l’indifférence 32 – Cf. Eberhard Jackel, Hitler idéologue, Calmann-Lévy, 1973. Saul Friedländer, L’extermination des ... 27Pour Hitler, le Juif est le symbole ou plus exactement la réalité même du Mal dans la société, contre-idéal social et révélateur et cause des désordres qu’il faut réparer. Cette conception s’organise à trois niveaux métaphysique, biologique et microbien, et constitue la synthèse modernisée du vieux fond mythique hérité du Moyen Âge. Au niveau métaphysique, le Juif est un principe », le principe du mal destructeur tel qu’il a été révélé par les Protocoles des Sages de Sion Hitler ne doute pas de leur authenticité. Aux Juifs est attribué un projet de domination mondiale par le capitalisme, ils détruisent l’organisation économique de la société et prolétarisent les masses, et par la révolution ils peuvent en même temps confisquer le pouvoir à leur profit, déstabiliser la religion et la morale et étendre leur tyrannie32. Ce premier niveau, métaphysique, est articulé sur le second niveau, biologique, puisque c’est en tant qu’ils constituent une race » que les Juifs se dressent contre les autres races et qu’ils cherchent à les anéantir. Pour Hitler, la race juive, incapable de productions culturelles supérieures, intellectuelles et artistiques, et qui n’a jamais fondé de civilisation, s’est, au cours de l’histoire, efforcée d’accaparer ou de détruire l’œuvre créatrice des autres races, de vivre à leur dépens, en parasite social. En cela, elle n’est pas seulement une race inférieure, elle est l’anti-race, non humaine par nature. La laideur physique et la corruption morale absolue qui la caractérisent ne sont que des conséquences de sa non-humanité. Mais, ce faisant, on glisse au troisième niveau, microbien, car cette anti-race est conçue comme un foyer d’infection pour la société tout entière, et ce qui était métaphore dans la thèse raciale devient réalité dans la thèse bactériologique. Le parasite social de la version raciale devient un bacille, un virus réellement actif au sein de l’organisme social, propagateur de maladie, corrupteur sexuel, non pas seulement symbole mais agent de la destruction incessante de la vie, souillure et impureté. 33 – Pierre-André Taguieff, Sur une argumentation anti-juive de base. L’auto-victimation du narrateur, ... 28L’architecture cohérente de ces trois niveaux permet à la fois de structurer les fantasmes antisémites traditionnels en les intégrant dans une vision organiciste de la société, où les principes du Bien et du Mal, de la Santé et de la Maladie, se livrent une guerre inexpiable dont l’issue ne peut être que la régénération ou l’anéantissement total ; et de rendre compte du passage de l’exclusion à l’extermination, c’est-à-dire de la mise en œuvre d’une politique prophylactique en vue de l’éradication du principe du mal et la régénération de la société. La théorie du complot, poussée à son extrême limite, bascule dans la Solution finale. Ici, le discours » est caractéristique du renversement victimaire qui est bien la constante de l’antisémitisme33 le bourreau tient sur la victime qu’il s’apprête à sacrifier un langage médicalisé qui se veut celui, objectif, d’un observateur extérieur. 34 – Hannah Arendt, The origins of totalitärianism, 1951 tr. française dans Le système totalitaire, L ... 29Ce discours et cette idéologie ont un aspect instrumental, puisqu’ils permettent de créer les repoussoirs nécessaires à la mobilisation, en vue de l’exercice du pouvoir et pour répondre à la crise identitaire. Mais, et c’est ce qui rend difficile l’analyse de l’antisémitisme nazi, celui-ci n’est pas qu’instrumental, et il n’est pas instrumental de la même manière pour chacun des acteurs sociaux. Contrairement à ce que pensait H. Arendt34, à savoir que dans un régime totalitaire l’idéologie est de moins en moins partagée lorsqu’on monte dans la hiérarchie du pouvoir, dans le cas hitlérien, l’idéologie apparaît comme prioritaire au centre du pouvoir et de plus en plus diluée lorsqu’on s’en éloigne. En ce sens, l’idéologie nazie, et l’antisémitisme qui en est le noyau, n’a pas le rôle fonctionnel qu’on lui prête dans l’analyse des régimes totalitaires – celui de leurrer les masses –, mais renvoie au processus du bouc émissaire où tous les acteurs, de manière différenciée certes, sont convaincus à la fois de la réalité du danger qu’exerce, à l’intérieur du corps social, l’individu ou le groupe qui porte les marques stéréotypées du bouc émissaire, et de la possibilité de la régénération du corps social par l’expulsion de cet individu ou de ce groupe. Si ce processus peut être mis en œuvre par une autorité cynique » qui ne croit pas elle-même en la culpabilité de la victime, ce même processus peut être mis en œuvre – et c’est le cas du nazisme – par des dirigeants convaincus à la fois de la réalité de la culpabilité de la victime et de l’efficacité de l’expulsion. Dans le cas nazi, la stratégie du bouc émissaire, interprétée à l’intérieur d’une vaste vision cosmique, forme moderne de la guerre entre Gog et Magog, où la Race des Seigneurs affronte la race des sous-hommes, a pour fonction, explicite, la régénération de l’humanité, d’une façon analogique à ce qu’exprimaient les participants rukuba au kugo, et a pour fonction implicite un transfert de responsabilité. 35 – S. A. Shentoub, Le rôle des expériences de la vie quotidienne dans la structuration des préjugés ... 30L’antisémitisme est présenté, au fur et à mesure que le nouveau régime s’installe et se heurte aux difficultés, comme le moyen efficace, nécessaire et suffisant pour réaliser la régénération de l’Allemagne et de toute l’humanité. Pour cela, il évolue en fonction même des situations et des événements, se radicalisant en même temps que la crise s’amplifie. Il fonctionne à partir du centre et, parce que ce centre est dans une position de pouvoir, celui-ci est en mesure à la fois de disposer des techniques nécessaires pour répandre son idéologie propre, et d’attirer et de s’attacher – y compris idéologiquement – ceux avec lesquels il accepte » de partager le pouvoir et qui lui sont nécessaires pour exercer ce pouvoir. Un effort gigantesque de propagande a été réalisé afin que l’antisémitisme devienne un véritable facteur de la politique extérieure et intérieure du régime »35. Par là s’est opéré, dans le modèle culturel des Allemands soumis au régime nazi, une réactivation des légendes et des mythes du passé, dont la traduction affective, dans des expériences socialement vécues par les individus, devient automatique. 31Que Hitler, pour des raisons qui renvoient aussi bien à sa propre histoire qu’à sa personnalité, ait été convaincu que les Juifs » constituaient le danger le plus grave auquel les Allemands-aryens étaient affrontés, cela ne fait aucun doute. La permanence de ses positions anti-juives, dans ses écrits et ses discours, et jusqu’à sa dernière déclaration, en est la preuve. Mais au niveau du fonctionnement du régime, caractérisé à la fois par des traits totalitaires principe du Führer et des traits anarchiques, l’antisémitisme a une autre fonction. Au début, lorsqu’il n’était pas virulent et qu’il ne présentait pas, pour certains, une priorité, il pouvait, avec d’autres sentiments comme l’antimarxisme, constituer le dénominateur commun du système dans son entier, le ciment permettant à l’ensemble de subsister. La pression des antisémites convaincus, et d’Hitler au premier chef, suffisait à donner au combat contre les Juifs une place à la fois centrale et nécessaire. Pour ceux qui n’étaient pas eux-mêmes des antisémites convaincus, accepter l’antisémitisme du système, surtout dans les premières phases lorsqu’il était encore convenable », leur permettait de se maintenir dans la position qu’ils occupaient. Mais la compétition entre les antisémites convaincus et leur rôle central dans le système, de même que l’extension de l’antisémitisme par l’éducation et la propagande, ne pouvaient qu’entraîner sa radicalisation, et cela d’autant que les conditions générales devenaient de plus en plus difficiles. 36 – Saul Friedländer, L’antisémitisme nazi, Le Seuil, 1971, p. 195. 37 – Rita Thalmann, L’antisémitisme en Europe occidentale et les réactions face aux persécutions nazie ... 38 – Cf. Arthur Morse, Pendant que six millions de Juifs mouraient, R. Laffont, 1968. On consultera au ... 32Cette radicalisation progressive s’explique par deux ordres de faits, ce qui permet de penser que la solution » de la question juive, voulue dès l’origine, n’a pas d’abord été conçue comme une extermination ». Il n’est pas vrai que le bouc émissaire doive nécessairement être tué » pour que le mécanisme puisse fonctionner. Il doit seulement subir une sanction » qui soit à la mesure de la culpabilité » qu’on lui prête, et lui interdise à l’avenir de mettre en danger » la société. Dans cette perspective, l’expulsion des Juifs d’Allemagne puis d’Autriche, que les nazis tentèrent d’organiser avant la guerre, pouvait paraître comme la mesure adéquate à la crise, puisque celle-ci était attribuée à la présence des Juifs et à leurs agissements dans le corps social. Mais déjà certains nazis faisaient remarquer que purifier l’Allemagne par l’émigration, c’est en même temps renforcer la menace extérieure contre l’Allemagne, les Juifs expulsés venant grossir les rangs des ennemis au-dehors36. Cette solution ne put cependant être réalisée à une échelle suffisante, non pas du fait de l’Allemagne, mais du fait des autres nations qui s’opposèrent, progressivement mais de manière non équivoque, à l’immigration. Dès l’automne 1933, dans le cadre de la sdn, lors des discussions au sujet de la nomination d’un haut-commissaire pour les réfugiés, les réticences se firent jour chez les délégués des différents gouvernements37 ; et la Conférence d’Évian, tenue en 1938, en fit la démonstration éclatante38. Le problème, pour les nazis, était alors soit mais ce n’est qu’une hypothèse d’école abandonner l’idée de punir » les Juifs – ce qui aurait signifié, compte tenu du seuil atteint par l’antisémitisme à la fin des années 30, remettre en question le régime lui-même –, soit, par une fuite en avant, adopter une solution plus radicale. D’autant plus que la guerre, victorieuse dans sa première phase, avait eu pour conséquence d’inclure sous domination nazie une population juive importante en Pologne, dans les Pays baltes et en Europe centrale. Le problème du traitement » à appliquer à cette population se posait donc dans des termes nouveaux. 39 – Lucie Dawidowicz, Guerre contre les Juifs, 1933-1945, Hachette, 1977. 40 – Eberhard Jackel, Hitler idéologue, Calmann-Lévy, 1973, p. 83. 41 – Mein Kampf, Éditions latines, 1934, p. 71. 42 – Eberhard Jackel, Hitler idéologue, Calmann-Lévy, 1973, p. 88. 33Le second élément qui pousse à la radicalisation est précisément la guerre. D’abord parce que dans l’idéologie nazie la guerre était conçue comme une épreuve de régénération, l’occasion de prouver la supériorité de la Race des Seigneurs et sa capacité de se soumettre les autres races de sous-hommes, en élargissant son espace vital. La mythologie nazie donnait à la guerre une fonction grandiose, qui devait renforcer l’effet de mobilisation sociale de toute guerre. Mais cette guerre-là avait aussi, dans la pensée d’Hitler, l’objectif de révéler le caractère proprement eschatologique du combat qu’il avait engagé contre les Juifs. Cette guerre était vraiment une guerre contre les Juifs »39, non pas uniquement, comme il le prophétisait » devant le Reichstag le 30 janvier 1939, parce qu’il accusait la juiverie internationale » de précipiter les peuples dans une guerre mondiale »40 et donc parce qu’il fallait trouver un responsable des massacres qui se préparaient ; mais aussi parce que deux mondes s’y affrontaient, le monde de Dieu et le monde de Satan, et parce que si le Juif gagne, avec ses alliés marxistes, contre les peuples de cette terre, alors sa couronne sera la couronne mortuaire de l’humanité, et la planète ira déserte à travers l’éther comme il y a des millénaires »41. La guerre, par les transformations qu’elle entraîne dans les mentalités et les comportements, et par la levée d’un certain nombre de censures normalement présentes dans les sociétés civilisées, permet la réalisation de ce projet démentiel anéantir tout un peuple auquel on attribue un rôle démoniaque. L’extermination des Juifs faisait partie de la guerre »42 43 – Cf. Martin Broszat, L’État hitlérien. Les origines et l’évolution des structures du Troisième Rei ... 34Ainsi, l’antisémitisme nazi constitue-t-il une application de la stratégie du bouc émissaire sans contrôle et sans contre-pouvoirs, et même faisant fi des intérêts les plus fondamentaux de l’Allemagne. Cette situation est caractérisée par la confusion des meneurs » et des autorités », du fait de l’accession des premiers aux centres du pouvoir qui constituent les positions réservées des seconds. Il n’y a plus séparation des élites mais homogénéisation, autour d’une personnalité charismatique qui pervertit les normes du pouvoir43. La stratégie du bouc émissaire est alors à la fois instrumentale et expressive, pouvant passer successivement ou simultanément sur l’un ou l’autre de ces plans. Maniée avec une grande habileté tactique par Hitler et les nazis, elle a pu être occultée lorsqu’elle risquait de s’avérer politiquement négative au moment de la prise de pouvoir. Elle a été mise en œuvre progressivement à la fois parce que les moyens n’avaient pas été arrêtés d’avance et parce que cette tactique permettait de désarmer les éventuelles oppositions ; en même temps, tout était fait, par le canal de la propagande, pour réunir les conditions de son efficacité. Elle a été enfin poursuivie au-delà de toute limite dans le contexte particulier du conflit mondial, parce qu’elle répondait à la vision proprement délirante d’une guerre de races dont Hitler avait fait, dès l’origine, le fondement de son programme. Haut de page Notes 1 – C’était la position, lors de la soutenance, de l’historien israélien Saul Friedländer. On retrouvera cette opposition aussi bien chez Hannah Arendt, Sur l’antisémitisme Calmann-Lévy, 1973, p. 28-31, que chez Colette Guillaumin, L’idéologie raciste. Genèse et langage actuel Mouton, 1972, p. 206. Plus récemment, on la retrouve explicitement chez des auteurs comme Denis Prager et Joseph Telushkin, Why the Jews? The reason for antisemitism New York, 1983, p. 154-157, ou Evelyne Gutman, La question de l’enjeu dans l’antisémitisme nazi Connexions, 1987, n°48, p. 27-48. Il est vrai, comme le remarquait déjà Otto Fenichel en 1946 dans Ernest Simmel, Antisemitism, a social disease, p. 14 et comme G. Bonazzi en faisait encore la constatation Pour une sociologie du bouc émissaire dans les organisations complexes, Sociologie de travail, 1980, n°3, p. 300, que la théorie » du concept de bouc émissaire n’avait pas été faite. C’est, entre autres, ce que nous avons tenté dans notre thèse. 2 – Cf. Le bouc émissaire, 7e volume du Rameau d’Or, 1935 trad. française, R. Laffont » coll. Bouquins », t. III, 1983, p. 421-674. 3 – Jean-Claude Muller, Pouvoir et rituel. L’idéologie politique des chefferies Rukuba, thèse, Nanterre, 1978. Cf., du même, La royauté divine chez les Rukuba, L’Homme, 1975, 11, n°1, p. 5-27. 4 – C’est la tendance d’Henri Baruk dans Psychiatrie morale expérimentale individuelle et sociale, PUF, 1945 2e éd. 1950, p. 256-259. 5 – Cf. René Girard, La violence et le sacré, Grasset, 1972 ; Le bouc émissaire, Grasset, 1983 ; La route antique des hommes pervers, Grasset, 1985. À propos de René Girard, on consultera avantageusement René Girard et le problème du mal, Grasset, 1982, et Violence et vérité. Autour de René Girard Colloque de Cerisy, Grasset, 1985. 6 – Pierre-André Taguieff, Sur une argumentation anti-juive de base. L’auto-victimisation du narrateur », Sens, 1983, n°7, p. 133-154. 7 – Jean Piaget, Biologie et connaissance, Gallimard, 1967, p. 243 sq. 8 – W. R. Ashby, Requisite variety and its implication for the control of complex systems », Çybernetka, 1958, 1, n°2. 9 – Henri Atlan, Entre le cristal et la fumée. Essai sur l’organisation du vivant, Le Seuil, 1979, p. 92. 10 – Cf. Jacques Mélèse, Approche systémique des organisations. Vers une entreprise à complexité humaine, Éd. Hommes et Techniques, 1979, p. 28-31. 11 – Une analyse psychanalytique de ce processus a été proposée par Imre Hermann, Psychologie de l’antisémitisme tr. du hongrois, Éd. de l’Éclat, 1986. Ce texte, qui date de 1945 – mais fut écrit en 1943 ou 1944 –, est complété par un texte du même auteur, La préférence pour les marges en tant que processus primaire » 1923, qui explicite une théorie de l’opposition centre/périphérie. 12 – Cf. Jean-Léon Beauvois et Robert Joule, Soumission et idéologies. Psychosociologie de la rationalisation, PUF 1981, p. 155 sq., qui renvoient à Léon Festinger, A theory of cognitive dissonance, Standford, 1957. Voir aussi Léon Festinger et al., Conflict, decision and dissonance, London, 1964. 13 – G. Bonazzi, Pour une sociologie du bouc émissaire dans les organisations complexes, Sociologie du travail, 1980, n°3, p. 300-323. 14 – Cf. L. Berkowitz et J. Green, The stimulus qualities of the scapegoat, Journal of abnormal and social psychology, 1962, 64, n°2, p. 293-301. 15 – René Girard, La route antique des hommes pervers, Grasset, 1985. 16 – Niel J. Smelser, Theory of collective behaviour, London, 1962. 17 – J. Gallagher et P. Burke, Scapegoating and leader behaviour, Social Forces, 1974, n°19, p. 481-488. 18 – Serge Moscovici, Psychologie des minorités actives, PUF, 1979, p. 121 sq. 19 – Denise Van Caneghem, Agressivité et combativité, PUF, 1978, p. 124. 20 – Cf. Saul Friedländer, L’antisémitisme nazi. Histoire d’une psychose collective, Le Seuil, 1971, p. 53 sq. Voir aussi Pierre Sorlin, L’antisémitisme allemand, Flammarion, 1969. 21 – Shulamit Volkov, Antisemitism as a cultural code. Reflexion on the history and historiography on antisemitism in Imperial Germany, Year book of the Leo Baeck Institut, 1978, n°23, p. 25-46. 22 – Pierre Vaydat, Philosophie allemande et ethnocentrisme au commencement du XIXe siècle, Annales du CESERE, 1978, n°1, p. 66. 23 – P. G. Pulzer, The rise ofpolitical anti-semitism in Germany and Austria, New York, 1964 ; Richard S. Levy, The downfall of the anti-semitic political parties in Imperial Germany, New Haven, 1975 ; Uriel Tal, Christians and Jews in Germany. Religion, politics and ideology in the Second Reich, 1870-1914, Gornell Univ., 1975. 24 – Hans Rosenberg, Grosse Depression und Bismarckzeit, Berlin, 1967 cité par Saul Friedländer, L’antisémitisme nazi, Le Seuil, 1971, p. 65. 25 – Cités par Saul Friedländer, L’antisémitisme nazi, Le Seuil, 1971, p. 73. Voir aussi Jean-Pierre Faye, Langages totalitaires, Hermann, 1973. 26 – Léon Poliakov, Histoire de L’antisémitisme, IV L’Europe suicidaire, Calmann-Lévy, 1977, p. 350. 27 – Cf. Michael N. Dobkowski et Isidor Wallimann éd., Towards the Holocaust. The social and economic collapse qf Weimar Republic, Greenwood Press, 1983. 28 – Walter Laqueur, Weimar, a cultural history, 1918-1933, London, 1974. 29 – Norman Cohn, Histoire d’un mythe. La conspiration mondiale juive et les Protocoles des Sages de Sion », Gallimard, 1967, p. 134 sq. qui précise qu’avant 1933 plus de 33 éditions des Protocoles avaient vu le jour en Allemagne, sans compter les abrégés et les commentaires. 30 – Pierre Sorlin, L’antisémitisme allemand, Flammarion, 1969, p. 68. 31 – Cf. Norman Cohn, Histoire d’un mythe, Gallimard, 1967, p. 137. 32 – Cf. Eberhard Jackel, Hitler idéologue, Calmann-Lévy, 1973. Saul Friedländer, L’extermination des Juifs d’Europe pour une étude historique globale, Revue des Études juives, 1976, 135, n°1-3, p. 113-144. On retrouvera ces thèmes dans certaines contributions, en particulier celle de E. Jackel lui-même, au Colloque de l’École des Hautes Études en Sciences sociales publié sous le titre L’Allemagne nazi et le génocide juif, co-édition Hautes Études, Gallimard, Le Seuil, 1985. 33 – Pierre-André Taguieff, Sur une argumentation anti-juive de base. L’auto-victimation du narrateur, Sens, 1983, n°7, p. 133-154. 34 – Hannah Arendt, The origins of totalitärianism, 1951 tr. française dans Le système totalitaire, Le Seuil, 1972. Voir aussi Saul Friedländer, De l’antisémitisme à l’extermination. Esquisse historiographique, Le Débat, 1982, n°21, p. 131-150. 35 – S. A. Shentoub, Le rôle des expériences de la vie quotidienne dans la structuration des préjugés de l’antisémitisme nazi, Les Temps modernes, 1953, 9, n°2, p. 9. 36 – Saul Friedländer, L’antisémitisme nazi, Le Seuil, 1971, p. 195. 37 – Rita Thalmann, L’antisémitisme en Europe occidentale et les réactions face aux persécutions nazies pendant les années trente, L’Allemagne nazi et le génocide juif, co-édition Hautes Études, Gallimard, Le Seuil, 1985, p. 141-143. 38 – Cf. Arthur Morse, Pendant que six millions de Juifs mouraient, R. Laffont, 1968. On consultera aussi Eliahu Ben Elissar, La diplomatie du IIIe Reich et les Juifs, Julliard, 1969, chap. III et chap. VIII. 39 – Lucie Dawidowicz, Guerre contre les Juifs, 1933-1945, Hachette, 1977. 40 – Eberhard Jackel, Hitler idéologue, Calmann-Lévy, 1973, p. 83. 41 – Mein Kampf, Éditions latines, 1934, p. 71. 42 – Eberhard Jackel, Hitler idéologue, Calmann-Lévy, 1973, p. 88. 43 – Cf. Martin Broszat, L’État hitlérien. Les origines et l’évolution des structures du Troisième Reich, Fayard, 1985. Voir aussi Stern, Hitler. Le Führer et le peuple, Flammarion, de page Pour citer cet article Référence papier Yves Chevalier, Le modèle du bouc émissaire l’exemple de l’antisémitisme allemand », Germanica, 2 1987, 3-24. Référence électronique Yves Chevalier, Le modèle du bouc émissaire l’exemple de l’antisémitisme allemand », Germanica [En ligne], 2 1987, mis en ligne le 13 février 2015, consulté le 22 août 2022. URL ; DOI de page Droits d’auteur Tous droits réservésHaut de page
Publié le 1 avr. 2016 à 101Mis à jour le 6 août 2019 à 000Ne pas être le bouc émissaire. A la Commission européenne, personne n'entend nier les difficultés que traverse le secteur laitier. Mais le Brussels bashing » ne passe pas. Accuser la Commission est tentant, dans les pays du sud de l'Europe, à l'heure où le commissaire européen à l'Agriculture, Phil Hogan, est un Irlandais, donc facilement soupçonné d' ultralibéralisme ». Ce n'est pas la Commission européenne qui a décidé de la fin des quotas, mais les Etats membres », objecte un officiel, qui ajoute qu'en réalité, celui que certains accusent de non-interventionnisme dogmatique ne fait rien d'autre qu'intervenir ».La preuve les décisions des conseils européens de septembre et de mars dernier ont permis non seulement le déblocage de soutiens financiers à la filière, mais également une nouvelle flexibilité, rendant possible le rétablissement temporaire d'un contrôle de la production. Une mesure nouvelle, dont les modalités pratiques sont en train d'être définies dans les bureaux de la Commission. En outre, il a été acté, début mars, que sur l'enveloppe de 500 millions d'euros débloquée en septembre, les fonds non encore dépensés par les Etats membres pourraient être utilisés afin d'encourager les éleveurs à produire autant, Bruxelles n'ira pas plus loin dans l'interventionnisme. Pas la moindre nostalgie, ici, de la période des quotas. L'exécutif européen préfère donc exhiber une stratégie globale visant à affronter le choc de la concurrence plutôt que de l'éviter. Des réflexions sont en cours sur les possibilités de stockage du lait ou sur les façons de mieux organiser la filière. L'idée serait en particulier d'encourager les producteurs à se fédérer pour renforcer leur capacité de négociation face à la grande distribution. Un groupe de travail doit également apporter des propositions pour, notamment, renforcer la transparence sur le marché et développer des outils financiers permettant aux producteurs de se prémunir contre les Bruxelles veut aller chercher de nouveaux débouchés à l'export pour la filière européenne. Cela passe, en particulier, par une enveloppe de 111 millions d'euros pour 2016, destinée à la promotion des produits agricoles, avec le slogan Enjoy, it's from Europe ». Quant au VRP Phil Hogan, il était récemment en Colombie et au Mexique, et enchaînera bientôt avec un déplacement au affronter la montée des incertitudes ?Inflation, hausse des taux d’intérêt, Ukraine et maintenant incertitude politique, les chocs se multiplient. Pour évoluer dans un environnement de plus en plus complexe, l’expertise de la rédaction des Echos est précieuse. Chaque jour, nos enquêtes, analyses, chroniques et édito accompagnent nos abonnés, les aident à comprendre les changements qui transforment notre monde et les préparent à prendre les meilleures découvre les offres
J’écoutais également sur France culture l’intervention de Patrick Zylberman[2], professeur émérite d’histoire de la santé à l’école des hautes études en santé publique qui s’empressait de souligner le mal endémique qui traverse l’histoire humaine et pointant l’absolue naïveté de quelques-uns à imaginer le progrès moral chez l’homme dans les périodes de propagation d’épidémie virulente. Concernant le progrès moral, Il n’en est rien en fait C’est un comportement millénaire. Ceux qui croient que nous ferions des progrès sur le plan moral sont des naïfs et des gens dangereux. En réalité les comportements sont toujours les mêmes, et les comportements de discrimination et de stigmatisation apparaissent dès qu’effectivement le bruit d’une épidémie de ce type se répand » puis Patrick Zylberman enchaine On a toujours exactement, la même chose, c’est-à-dire qu’on s’en prend d’abord à des boucs émissaires. Ce sont des choses profondément ancrées dans nos têtes, dans nos esprits. Ce sont des choses de l’ordre de la peur, des passions, etc. Et c’est absolument ingouvernable. Tout ce qu’on peut espérer c’est que ça passe le plus vite possible. ». Auteur Eric LEMAITRE Le bouc émissaire nous renvoie forcément à l’histoire même de notre humanité, où il fallait tuer l’animal, pour expier la faute du peuple. C’est dans l’Ancien Testament, au chapitre 16 du Lévitique, dans les versets 20, 21, 22[1] que nous est décrit le rituel d’expiation qui symbolise toute la dimension sacrificielle qui représente l’acte d’ôter la faute, cette faute qui plonge le peuple dans une forme de châtiment collectif, mais dont le peuple est épargné, s’il consent à présenter un sacrifice. La symbolique du bouc émissaire est donc celle du transfert transférer la faute sur autrui, lui faire endosser la faute afin que le reste n’ait pas à payer collectivement la faute. Aujourd’hui le rôle du bouc émissaire est celui que l’on entend désigner pour stigmatiser, pour conjurer les maux éprouvés par la collectivité. Le bouc émissaire devient aussi l’exutoire d’un ressentiment que l’on projette sur autrui. Le bouc émissaire est toujours exhumé quand il s’agit de partager sa haine dans les situations les plus tragiques où coûte que coûte il faut rechercher le responsable coupable. Pour expier, certaines sociétés n’ont pas hésité au cours de l’histoire à exclure, à châtier, à condamner, à cracher sa haine, à déverser sa malveillance, et à propager des rumeurs comme pour incendier de prétendus coupables. Or l’évocation de notre histoire contemporaine démontre que nos civilisations prétendument évoluées sont susceptibles de sombrer dans des heures peu glorieuses qui ont parsemé les siècles passés. Nous avons oublié socialement à quel point la violence peut surgir et naître d’événements tragiques, cette violence peut émaner de la calomnie comme de la dénonciation, comme d’une volonté de trouver un médiateur qui deviendra le souffre-douleur d’une peine collective vécue par une cité, une communauté, des hommes ou des femmes, confrontés à l’épreuve. Aussi faut-il rechercher à tout prix le coupable, le bouc émissaire, cette figure emblématique, symbolique et victimaire qui doit endosser la faute, la responsabilité, la seule responsabilité de nos maux. Mécanisme qui expurge notre propre affliction ou calvaire dont il faut bien faire émerger une cause pour la dénoncer ensuite. Il faut ainsi dévoiler le responsable de tous nos malheurs. Ce mécanisme d’attaque contre une communauté ou un groupe ou une personne plus faible permet à certains individus qui l’utilisent de maintenir un sentiment de moralité intact puis de dissimuler ses propres responsabilités ou détourner l’attention sur l’origine du problème. Comme vous le savez et je l’ai souvent cité dans mes chroniques, rien de nouveau ne naît sous le soleil ; d’ailleurs, il nous suffit de redécouvrir une des fables de La Fontaine, un des grands classiques de la littérature française, pour comprendre le déroulement de ce processus collectif où l’on en vient à s’entêter contre celui qui est devenu le souffre-douleur de toute la communauté. Ainsi, dans Les animaux malades de la peste », il fallait s’acharner contre l’âne, devenu le souffre-douleur de la communauté, il fallait, quel qu’en soit le prix, le pendre et en finir avec lui, comme si avec la disparition du baudet, nous mettions fin à l’épreuve. Ce texte, il convient de le relire pour comprendre la dimension que revêtent parfois les mécanismes de diffamation, d’accusation de violence, de calomnie, de soupçon haineux, dirigés contre des groupes, contre des communautés. L’Âne vint à son tour et dit J’ai souvenance. Qu’en un pré de Moines passant, la faim, l’occasion, l’herbe tendre, et je pense quelque diable aussi me poussant, je tondis de ce pré la largeur de ma langue. Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net. À ces mots on cria haro sur le baudet. Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue, qu’il fallait dévouer ce maudit animal, ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal. Sa peccadille fut jugée un cas pendable. Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable ! Rien que la mort n’était capable d’expier son forfait on le lui fit bien voir ». Comme dans la fable de La Fontaine, Les animaux malades de la peste », la logique du bouc émissaire s’inscrit parfois contre celui qui est différent, le baudet galeux et pelé », sur le refus de la différence et ce fait s’est souvent avéré juste tout au long de l’histoire et notamment au cours des différents épisodes qui ont marqué les troubles de l’infection pestilentielle au sein de notre nation comme en Europe. Le coupable de cette tragédie, c’était forcément le Juif ; par la force des choses, ce métèque a été le bouc émissaire de la communauté, sûrement il est coupable d’être différent, lui le baudet galeux et pelé », l’âne qui est différent des autres. Comme dans cette fable, il faut juguler, circonscrire le mal, les esprits s’échauffent, il faut un coupable, le coupable ce n’est pas la pandémie virale, mais c’est forcément un semblable autant victime que nous, mais qui fera l’affaire pour expier notre faute. Il y a là incontestablement une logique sacrificielle, parfaitement explorée par le philosophe René Girard Les persécuteurs finissent toujours par se convaincre qu’un petit nombre d’individus, ou même un seul peut se rendre extrêmement nuisible à la société tout entière, en dépit de sa faiblesse relative ». J’aurais ajouté le mot utile » au lieu de nuisible, dans un sens plutôt ironique. En écrivant ces lignes, je pense à l’affaire Alfred Dreyfus qui est l’archétype du bouc émissaire dans la mémoire collective de notre nation. Le coupable idéal, le coupable utile, ajouterais-je à nouveau, le coupable sur lequel on fait retomber tout le ressentiment, l’animosité, les rancœurs, dont a été victime le peuple juif à la fin du XIXe siècle. Le capitaine Dreyfus était un homme innocent, une forme de martyre, de bouc émissaire de l’acharnement collectif d’une entité sociale pour s’exonérer, s’exempter de sa propre faute, de sa propre culpabilité. L’acharnement d’ailleurs peut être savamment entretenu par les corps institutionnels d’une nation, les représentants de l’État, comme nous le verrons, dans cette nouvelle chronique. J’écoutais également sur France Culture l’intervention de Patrick Zylberman [2], professeur émérite d’histoire de la santé à l’École des Hautes Études en Santé Publique qui s’empressait de souligner le mal endémique qui traverse l’histoire humaine et pointant l’absolue naïveté de quelques-uns à imaginer le progrès moral chez l’homme dans les périodes de propagation d’épidémie virulente. Concernant le progrès moral, il n’en est rien en fait C’est un comportement millénaire. Ceux qui croient que nous ferions des progrès sur le plan moral sont des naïfs et des gens dangereux. En réalité les comportements sont toujours les mêmes, et les comportements de discrimination et de stigmatisation apparaissent dès qu’effectivement le bruit d’une épidémie de ce type se répand . Puis Patrick Zylberman enchaîne On a toujours exactement la même chose, c’est-à-dire qu’on s’en prend d’abord à des boucs émissaires. Ce sont des choses profondément ancrées dans nos têtes, dans nos esprits. Ce sont des choses de l’ordre de la peur, des passions, etc. Et c’est absolument ingouvernable. Tout ce qu’on peut espérer c’est que ça passe le plus vite possible. » Comment de fait ne pas se souvenir de la peste noire au cours du XIVe siècle, avec ses rumeurs nauséabondes, répandant le bruit que les Juifs étaient les émissaires de Satan pour expier la faute de pseudo-chrétiens, cette rumeur nauséabonde conduisit les mêmes religieux», ces pseudo-chrétiens à les expulser. Ils décidèrent parfois de les massacrer, de les exterminer par milliers, persuadés que ces derniers avaient contaminé les lieux de leur vie sociale. Les flambées de violence, ces flambées qui étaient appelées pogroms caractérisent systématiquement les civilisations qui se sentent menacées, soumises aux pires épreuves, aux pires crises sociales. Et ce fut typiquement le cas lors de la pandémie, de l’infection calamiteuse, surnommée la Peste noire, un fléau qui allait décimer une grande partie de la population, et ce dans un intervalle de quelques années. Les Juifs seront mis à l’index, accusés de tous les maux dont celui de la peste noire, des pogroms expiatoires seront organisés qui frapperont les Juifs dans la plupart des régions et notamment dans l’Est de la France où la peste s’étendit. Le pogrom le plus sanglant a lieu donc à Strasbourg, le carnage criminel est connu comme le massacre de la Saint-Valentin puisqu’il advient le 14 février 1349 [3]. A cette occasion, près de 2000 Juifs seront assassinés [brûlés vifs.] La même population strasbourgeoise s’était également révoltée contre le pouvoir local jugé trop favorable à l’endroit des Juifs. À tort nous avons pensé que les phénomènes de violences, de stigmatisation ne concernaient que les sociétés archaïques, primitives, mais il n’en est rien comme le mentionnait précédemment Patrick Zylberman. Il y a comme une forme de perpétuation de ce rituel dans toute crise et en l’occurrence dans cette grave crise pandémique, comme la manifestation, comme le rejet de la singularité de l’autre », le désir de maintenir un sentiment de dégoût en discriminant notamment ceux qui croient aujourd’hui au ciel et qui n’ont finalement pas empêché la propagation du mal. Le bouc émissaire est en réalité pluriel, protéiforme. Le bouc émissaire est aujourd’hui une église évangélique d’où est partie la foudroyante pandémie qui a contaminé toute la région Est. Beaucoup incriminent un rassemblement qui n’avait jamais été interdit et dans un contexte où plusieurs reprochaient à certains d’exagérer l’ampleur de l’épidémie, où l’État n’avait à l’époque pris aucune mesure, aucune précaution, aucune prudence pour prévenir un risque épidémique. Rappelons les faits et seulement les faits. La pandémie du Covid-19 en Italie se diffuse à partir du 31 janvier 2020, lorsque deux touristes chinois sont testés positifs pour le SARS-CoV-2. La détection du Covid-19 chez ces touristes chinois se fait alors dans la capitale italienne, Rome. Un autre groupe de cas de Covid-19 est ensuite signalé en Lombardie, à commencer par 16 cas confirmés le 21 février, 60 autres cas le 22 février et les premiers décès en Italie sont signalés le même jour. Le 28 février, il y avait 21 décès et 888 cas confirmés dans le pays. Alors que l’État français avait eu connaissance de ce début de pandémie, aucune décision en Europe et pas plus qu’en France n’avait interdit d’éventuels rassemblements, aucune interdiction de vie collective n’avait alors été prise. Pourtant, les autorités sanitaires semblaient être parfaitement informées de la dangerosité du virus. En pleine épidémie de Covid-19 en Italie, le match entre l’Olympique lyonnais et la Juventus Turin est maintenu le mercredi 26 février. L’église évangélique de Mulhouse organise entre le 17 et le 24 février un rassemblement avec plus de 2000 fidèles. Dans le contexte de ce mois de février, il n’y avait aucune indication de prudence qui ait été donnée à quelque rassemblement que ce soit et pas même au Groupama Stadium qui accueillait en son sein des milliers de supporters, [la capacité du stade est de 59 186 places] et n’avait nullement fermé ses portes aux supporters en provenance de Turin [4]. Il y avait là un brassage de populations. Il est curieux qu’il ne soit venu à quiconque de stigmatiser l’Olympique Lyonnais. Alors que le journal Le Point [5] titrait la bombe atomique » du rassemblement évangélique de Mulhouse, mettant ainsi sur le devant de la scène une église évangélique coupable d’avoir organisé un rassemblement d’où est partie la contagion foudroyante. Nous avons là des éléments de stigmatisation portant les germes d’une haine sans pareille qui a été vécue par les responsables de la Porte Ouverte. Plusieurs journaux, quelques quotidiens de la presse nationale, ont alors blâmé un rassemblement évangélique qui n’avait jamais été interdit. Les chrétiens devaient endosser la responsabilité, des torrents de haine ont été également répandus, y compris dans les réseaux sociaux, véritables caisses de résonnance pour propager la haine de l’autre, révélant ainsi et à grande échelle la noirceur des attitudes capables de victimiser des personnes elles-mêmes endeuillées par le covid-19. Il s’ensuivit même des menaces de mort et une certaine forme de lâcheté au sein de certaines églises traditionnelles et autorités administratives qui tentèrent de se disculper et de n’endosser aucune forme de responsabilité aux yeux de la population locale et de la région Est. Le pire pour renforcer cette stigmatisation, les modèles mathématiques ont été convoqués pour expliquer que l’église évangélique a été forcément à l’origine de l’explosion du covid-19, et si Rome brûle, c’est indubitablement la faute de ce rassemblement chrétien. C’est ce point-là qui m’a profondément alerté, non seulement comme chrétien moi-même, mais cette dimension très imprudente qui consiste à apporter une démonstration à un événement dramatique en se fondant implicitement sur une modélisation statistique. Reprenons donc cet élément que j’entends ici discuter et tentons d’entrevoir le formidable» argument et d’en extraire dans le propos la dimension de bouc émissaire qui résulterait d’un tel commentaire. Citons de fait ce texte paru dans la presse dans les Dernières Nouvelles d’Alsace le 13 avril 2020 [6] Une modélisation statistique et sanitaire transmise au conseil scientifique mis en place par le gouvernement sur la propagation du coronavirus en France a abouti à un résultat sans équivoque sans le rassemblement évangélique de la Porte Ouverte Chrétienne, qui s’est tenu du 17 au 24 février à Mulhouse, la France serait au même niveau que l’Allemagne en termes de contamination. Autrement dit, avec quatre fois moins de personnes hospitalisées. » Il convient, selon moi, d’être alerté par la dimension à la fois insidieuse du propos et par le titre très imprudent de la presse. Cela a même quelque chose de sournois [ Épidémie le rassemblement évangélique de Mulhouse a tout fait basculer ».] Le rassemblement évangélique a tout fait basculer, voilà, en quelque sorte en filigrane dans l’écriture très stylisée afin que chacun comprenne, que les responsables de l’incendie que nous vivons sont explicitement désignés. Le rassemblement n’est pas coupable, d’aucune sorte, puisque ce rassemblement n’a enfreint aucune interdiction administrative. Ou alors le préfet a totalement omis de s’informer de l’éventuelle dangerosité d’un virus qui pouvait amener d’un rassemblement qui concerne aussi les frontaliers suisses, luxembourgeois, allemands. Le titre est finalement particulièrement évocateur, il rend responsable une communauté chrétienne d’avoir formé le début d’un cluster épidémique. C’est la construction même de l’argument qui est habilement formulé sous-entendant que si de tels rassemblements n’avaient pas eu lieu, nous n’en serions pas à l’émergence d’un premier foyer contagieux. L’argument rationnel sans précaution aucune est facile, il commence par la modélisation statistique. Le paradigme mathématique est ainsi convoqué, ce qui suppose en conséquence une démonstration sans équivoque il n’y a pas de discussions possibles, vous êtes prié de circuler, la démonstration est apportée puis étayée par le modèle. Mais reconnaissons que ce même modèle devra être appliqué au porte-avions Charles de Gaulle qui a fait escale à Toulon le dimanche 12 avril 2020, et dont la première escale date du 15 mars à Brest, alors que la France est en pleine crise épidémique. Le porte-avions Charles de Gaulle rassemble à son bord plus de 600 personnes infectées par le covid-19, mais là il s’agit de la défense nationale, de la responsabilité de l’État. L’incriminerons-nous comme nous le faisons pour l’église évangélique ? La question est posée et mérite sans aucun doute de l’être ! Il est assez pernicieux de mentionner le rassemblement évangélique, cela aurait pu être en effet n’importe quel autre rassemblement, mais il y a là une dimension stigmatisante, une manière de pointer du doigt l’aspect irresponsable de communautés chrétiennes qui expriment la joie de célébrer ensemble un événement habituel. Et en regard de l’événement vécu à Mulhouse, les autorités seraient en peine d’examiner cette parole extraite de la lecture d’un évangile Ôte premièrement ta poutre avant d’y extraire la paille dans l’œil de ton prochain. » Notons en outre que ce rassemblement avait lieu chaque année et ne faisait jusqu’à présent aucun écho dans la presse, semble-t-il, ou en tout cas il n’y a pas eu de propos malveillants ? Mais pour revenir à l’énoncé des modèles mathématiques pour expliquer la propagation de la pandémie, il existe bien d’autres conditions pour faire jaillir des clusters au-delà d’un rassemblement religieux, la région du Haut-Rhin qui après Strasbourg est la deuxième ville d’Alsace est une région relativement urbanisée avec de nombreux échanges frontaliers avec la Suisse et l’Allemagne. Or à titre de comparaison, la Lombardie est une région dense d’un point de vue urbain, une région qui elle-même comme chacun maintenant le sait a été violemment frappée par le covid-19. Le territoire compte sans doute davantage d’habitants comparativement à l’Alsace la région Lombardie avoisine 10 millions d’habitants, mais elle est aussi une région de brassages où les échanges commerciaux sont les plus développés. Ce mouvement perpétuel d’habitants, ce brassage des populations aurait favorisé la diffusion de la pandémie. Donc le rassemblement religieux qui est ici utilisé pour expliquer la propagation du virus à des fins de démonstration semble abusif, puisque sociologiquement l’instinct grégaire des êtres humains nous pousse tout simplement à nous retrouver, à nous rassembler et vivre des communions intenses, des moments de convivialité. Il semble que la mémoire ait été courte pour beaucoup d’entre nous comment peut-on omettre, comme je le rappelais, que les derniers événements sportifs autorisés à Lyon par exemple avec des Turinois n’étaient pas si éloignés du foyer pandémique et que l’on apprenait également des cas de covid-19 dans le Piémont ? Bien entendu, il faut le reconnaître et ne pas l’ignorer, le début d’un foyer est bien né à Mulhouse, mais il aurait pu naître au cours d’une rencontre sportive ou bien émerger comme en Lombardie à partir d’un seul individu qui rencontre trois individus et trois individus qui croisent le même nombre, et puis connaître un développement exponentiel par un effet de démultiplication, qui résulte de la rencontre d’un seul malade atteint par le covid-19. Donc il est indispensable d’être prudent avec ce type de modèle, alors qu’il suffit en effet d’une seule personne pour faire émerger un foyer épidémique [1=>3=>9=>81, etc.] L’usage d’un modèle statistique à partir d’un événement est juste une extrapolation infondée, et que démontre a fortiori l’expansion du virus en Grande-Bretagne ou dans bien d’autres régions dans le monde. La Chine, pays militant de l’athéisme, n’a pas empêché la propagation mondiale d’un virus terrifiant. Les crises réveillent parfois l’irrationalité, alors que l’on veut asseoir une démonstration sur un modèle statistique équivoque, mais qui ne prouve rien ! Le constat factuel suffit en soi instrumentaliser pour légitimer une conséquence et pointer l’origine religieuse comme étant l’effet atomique de la propagation du virus relève d’une forme de sophisme scientifique, une argumentation à la logique fallacieuse. C’est utiliser un argument d’autorité. Or il convenait dans cet article de démasquer la rhétorique qui contrevient à la vérité en faussant l’argument. L’église évangélique de Mulhouse ne doit nullement devenir le bouc émissaire de sa ville, de sa région et de notre nation. Pleurons plutôt avec elle les familles endeuillées et apprenons de ce terrible fléau des leçons à en tirer pour orienter différemment notre vie. Notes [1] Texte du Lévitique 1620-22 Lorsqu’il aura achevé de faire l’expiation pour le sanctuaire, pour la tente d’assignation et pour l’autel, il fera approcher le bouc vivant. 21 Aaron posera ses deux mains sur la tête du bouc vivant, et il confessera sur lui toutes les iniquités des enfants d’Israël et toutes les transgressions par lesquelles ils ont péché ; il les mettra sur la tête du bouc, puis il le chassera dans le désert, à l’aide d’un homme qui aura cette charge. 22 Le bouc emportera sur lui toutes leurs iniquités dans une terre désolée ; il sera chassé dans le désert. » [2] [3] Le 14 février, jour de la Saint-Valentin, le quartier juif est cerné et ses habitants conduits au cimetière de la communauté. Là, l’on bâtit un immense bûcher où ils sont brûlés vifs. Certains autres sont enfermés dans une maison en bois à laquelle l’on met le feu. Celui-ci se prolongea pendant six jours. [4] Trois députés de La République en Marche avaient écrit au nouveau ministre de la santé, Olivier Véran, pour lui demander d’interdire, en raison de l’épidémie de coronavirus, la venue de 3 000 supporters italiens au Groupama Stadium pour le match de Ligue des champions entre l’Olympique Lyonnais et la Juventus de Turin, le mercredi 26 février. Rappelons que la direction générale de la santé justifiait ce choix de déplacement des supporters par le fait que, à la différence de la Lombardie ou la Vénétie, la région piémontaise n’est pour l’heure pas considérée comme un foyer de l’épidémie. [5] [6] L’extrait de la citation référencée provient du site des Dernières Nouvelles d’Alsace Passionné par les questions économiques, sociales ... engagé dans la vie de sa cité et marqué par le désir d'incarner sa foi chrétienne... Egalement Essayiste et Blogueur Voir tous les articles par Eric Lemaître
Un meurtre collectif unique, singulier, un phénomène de bouc émissaire unique à l'origine de l'humanité et du langage, ne s'est-il pas produit, un meurtre plus originel que ceux qui l'on suivi, plus fondateur » aussi que ceux qui l'ont précédé chez l'animal ?Sous l'influence de la Bible Caïn et Abel et du structuralisme, René Girard a d'abord eu tendance à penser que oui, il me semble. A l'origine de l'humanité et de l'émergence du langage, un meurtre fondateur originel, premier le premier d'un nouveau genre, car le phénomène de bouc émissaire existe déjà chez l'animal, et le premier d'une longue série car le phénomène de de bouc émissaire ne s'éteint jamais chez l'être humain, était et reste sous l'influence des éthologues et des découvertes récentes concernant les chimpanzés, dans Les Origines de la Culture, René Girard envisage plutôt désormais le mécanisme du bouc émissaire » comme le moteur » de l'apparition du religieux archaïque et de la symbolicité », comme le moteur » de l'hominisation, sur de très longues périodes, et non plus comme un phénomène unique précisément daté, ou tout au moins datable. Il affirme ainsi, p. 150 Cette approche évolutionniste évite la rupture totale, postulée par l'hypothèse structuraliste et lui substitue un processus graduel qui atteint des niveaux de complexité de plus en plus grands ».Cette évolution de René Girard pour prendre en compte les données éthologiques est importante et je vais donc, pour une fois, le citer abondamment. L'esprit scientifique a besoin de coller à la réalité alors que l'esprit religieux a tendance au contraire à la schématiser à l'excès. La conjonction des deux est Les Origines de la Culture, p. 223, Girard dénonce un travers métaphysique », une conception fausse, mythique, une conception trop philosophique ou religieuse, du passage de l'animal à l'être humain C'est pourquoi l'explication éthologique, en parallèle avec le travail anthropologique, est si importante. Soit nous croyons que l'évolution humaine se fait dans une continuité, soit nous tombons dans un travers métaphysique qui consiste à penser que les hommes et leur culture sont complètement séparés de la nature, qu'ils surgissent de nulle part, qu'aucun élément ou caractéristique ne vient de leurs ancêtres. Si l'homme est une espèce, il exprimera des pulsions mimétiques, réagira à la violence et à la crise de la même façon, à peu de chose près, que les autres espèces. Bien sûr, la divergence apparaît dans l'évolution vers les symboles et la culture, cependant toutes sortes de restes » attestent de la commune origine de nos racines éthologiques et anthropologiques. » Continuité », donc, évolution par paliers niveaux de complexité de plus en plus grands », plutôt que surgissement brutal et séparation complète. D'autres passages des Origines de la Culture confirment encore que c'est dans ce cadre évolutionniste et prenant en compte l'éthologie l'étude du comportement animal, et non plus à partir du structuralisme ou de Caïn et Abel uniquement, que René Girard pense désormais l'émergence graduelle du langage, de la symbolicité ».Il affirme ainsi, p. 150 La vision que nous avons aujourd'hui des chimpanzés et des primates en général est un peu différente de celle qui avait cours au moment où j'ai écrit Des choses cachées. Aujourd'hui, on pense que, non seulement ces derniers utilisent des outils, mais aussi qu'ils chassent ensemble et, selon certains observateurs, possèdent même des rituels, ou du moins des ébauches de rituels. » P. 155 Il existe dans ces groupes des formes de violence collective. Certaines formes de chasse présentent également des aspects rituels. Des signes clairs rendent plausible le fait que le mécanisme du bouc émissaire soit apparu dans ces groupes. […] L'émergence d'une sphère symbolique doit s'expliquer, dans un cadre éthologique. C'est le fruit d'une combinaison d'instincts, dans laquelle on peut inclure la proto-conscience du meurtre d'un membre de la même espèce. » A propos des éthologues, il affirme, p. 153 Ils ne voient pas le saut fondamental évitons le terme de rupture » entre la culture humaine et la culture animale, qui est effectivement déclenché par l'apparition de la sphère symbolique. » Et p. 154 Il est impossible de définir, d'isoler le moment précis où ce mécanisme [le mécanisme du bouc émissaire] intervient et où la culture émerge enfin. Il faut voir cela dans un cadre temporel de dizaines de milliers, peut-être de centaines de milliers, peut-être même de millions d'années. Dans cette longue histoire de la découverte » du mécanisme victimaire, etc.»Les chimpanzés pratiquent la chasse collective, le meurtre collectif, le cannibalisme, on le sait depuis peu voir le sujet consacré à ces phénomènes et surtout les vidéos associées. Depuis ces découvertes, on ne peut plus penser l'émergence du langage comme rupture » mais uniquement comme saut fondamental » réalisé au cours d'une longue histoire », sur une échelle de temps une scène primitive, un tout premier phénomène de bouc émissaire spécifiquement humain à l'origine du langage est saisissant, mais simpliste. Pour Girard, aujourd'hui, l'émergence de la sphère symbolique s'étale sur des milliers d'années et se développe donc à l'occasion de milliers de phénomènes de bouc émissaire dont les modalités spécifiquement humaines émergent par paliers à partir de leurs modalités animales. Un victime plus originelle que les autres n'existe pas car les primates aussi ont des victimes de la symbolicité » est un processus lent, dont le mécanisme du bouc émissaire » est le moteur ». La pensée de René Girard a évolué depuis Des choses cachées, pour intégrer les données éthologiques. L'apparition du langage n'a plus pour lui la soudaineté qu'elle pouvait avoir dans sa confrontation première, dans son débat, avec le structuralisme. Sa conception évolutionniste actuelle de la genèse de la symbolicité » colle davantage, tout simplement, à la vais essayer d'expliquer, dans un nouveau sujet, comment le mécanisme du bouc émissaire peut être pensé comme le moteur de l'hominisation, à travers le religieux archaïque, et comme le moteur également du développement de la symbolicité ».
Comment gérer un salarié insupportable ?Aucun responsable n'y échappe... La gestion des personnalités difficiles fait sûrement partie de votre quotidien. De la méthode douce à la tolérance zéro, découvrez comment composer avec les fortes têtes et autres paranoïaques. Gonflé, le Martin ! Non seulement personne ne peut l'approcher sans recevoir une volée de bois vert, mais, de plus, il refuse de partager son savoir-faire avec ses collègues fraîchement recrutés. Un cas d'école ? Pas le moins du monde. Le personnage en question sévit depuis des lustres chez le fromager Lactalis, en tant que responsable logistique. Et quelle entreprise n'a pas au moins un Martin dans ses murs, sobrement appelé une personnalité difficile ? Pénible, très pénible. D'autant que, au-delà des grincheux en tout genre, vous venez peut-être de recruter un obsessionnel, une histrionique, quelques narcissiques et pourquoi pas un ou deux schizoïdes. Offre limitée. 2 mois pour 1€ sans engagement Le psychiatre François Lelord estime qu'"environ 10 % de la population adulte peut être diagnostiquée comme personnalité difficile". Il serait donc miraculeux que votre entreprise soit épargnée. Comment réagir ? En adoptant l'une des trois ripostes ci-dessous. Riposte n°1 le clashQuand c'est inévitableLa plupart des employeurs admettent sans détours préférer le clash à d'interminables discussions. "Cela nous arrive rarement, mais, si le collaborateur se révèle ingérable, on s'en sépare", reconnaît Gérard Viquel, le PDG de la société éponyme, fabricant d'articles scolaires. Même réaction de la part de Jean-Luc Synave, à la tête de la web agency "A titre personnel, les fortes têtes ne me dérangent pas plus que ça. Mais je me refuse à imposer la mauvaise humeur de quelqu'un aux autres salariés. J'ai ce cas très précis en ce moment et je peux vous dire que la personne en question doit s'attendre à vivre des moments très difficiles. Et cela va de toute façon être vite réglé..." Une nette majorité de patrons raisonne ainsi, en fait. Du dirigeant du Groupe Duarte, estimant que son entreprise n'est pas un défouloir, à Dominique Lasserre, qui se souvient avoir bataillé des mois durant pour pousser à la démission un acheteur particulièrement irascible. Voila, en effet, de quelle manière, souvent, les problèmes se résolvent. A moins d'envisager l'autre porte de sortie, certes étroite, qu'est le licenciement. Subjective par nature, l'incompatibilité d'humeur ne peut suffire pour remercier un collaborateur. Le 7 juillet 1998, la Cour de cassation a toutefois admis que l'incompatibilité des relations humaines et professionnelles entre un employé et son supérieur hiérarchique, entraînant la dégradation du travail de l'ensemble de son service, justifiait le licenciement de l'intéressé. De même, une employée qui contestait systématiquement les ordres de la direction et entretenait une incompatibilité d'humeur avec ses collègues a pu être licenciée sous prétexte qu'elle rendait impossible un accord sur les horaires de travail hebdomadaires Cour de cassation du 12 juillet 2000. L'"emmerdeur" n'a-t-il que des mauvais côtés ? Il est des cas où les dirigeants y regardent à deux fois avant d'opter pour la rupture ceux où la personnalité difficile se double d'un talent ou d'une expérience également hors normes. "Tout dépend de la compétence du collaborateur en question, explique la directrice générale de Ditechna. Une Ferrari, c'est beaucoup plus dur à maîtriser qu'une 2 CV, mais, si j'ai le choix, je préfère quand même l'italienne." Même réaction de la part d'Eric Delerue "Quand on estime qu'un collaborateur le mérite, il nous arrive de faire appel à une aide extérieure, indique le responsable du personnel de Doublet. En l'occurrence un cabinet de coaching qui a le chic pour faire prendre conscience à quelqu'un du côté néfaste de son attitude. Récemment, un de nos cadres des services logistiques a bénéficié de ce petit traitement de faveur et, depuis, tout le monde s'en félicite. Mais je pense que ça a marché parce que cette personne est suffisamment intelligente pour saisir jusqu'à quel point ses employeurs peuvent tolérer ses écarts." Favorable à cette façon de diriger ses troupes, François Lelord invite ainsi les managers à raisonner comme ils savent le faire en fonction du rapport coût-bénéfice. "Si l'attitude "déviante" d'Untel est compensée par un apport supérieur aux soucis qu'il vous cause, à quoi bon se plaindre ?", s'interroge le psychiatre. Mais pragmatisme ne signifie pas pour autant capitulation. Pour empêcher les "caractères" de faire trop de dégâts, il existe un remède administratif trop peu utilisé la charte de bonne conduite. Distincte de l'abscons règlement intérieur que personne ne lit, elle doit clairement édicter ce que vous attendez de tous en matière de relations humaines, de respect des autres, etc. "C'est un truc tout bête, mais il permet de décourager ceux qui pourraient être tentés de passer les bornes", promet Jean-Pascal Farges, de l'Institut des relations humaines. Au-delà, et toujours à condition que le jeu en vaille la chandelle, deux types d'améliorations opérationnelles sont envisageables. Riposte n° 2 faire évoluer la situationLa réaction la plus difficile, c'est l'attitude qui consiste à faire table rase du passé en oubliant tous les préjugés que l'on traîne à propos dudit collaborateur. "Ça demande un vrai travail sur soi, mais c'est efficace, explique un dirigeant de PME qui a suivi l'une des formations de Jean-Louis Muller. On appelle cela coller un timbre à quelqu'un et je dois dire que j'étais le champion pour ce genre de choses... Par exemple, je ne pouvais m'empêcher de voir tous mes employés barbus comme des psychorigides. La Cegos m'a appris à mettre ce genre de vision subjective de côté et j'ai découvert que certains d'entre eux sont plus ouverts que je ne le pensais." Dans le même esprit, vous pouvez également tenter de modifier votre propre comportement envers les personnalités difficiles afin de les amadouer. Un seul exemple préférez "Je n'ai pas compris ce que tu as dit" à "Tu es incompréhensible" et vous constaterez qu'il n'y a pas tant d'agressifs que cela parmi vos salariés. "C'est l'effet miroir, constate Jean-Louis Muller. Comme par hasard, un patron hargneux aura toujours beaucoup de grincheux dans ses effectifs..." Cela signifie-t-il pour autant que vous devez tout accepter en bloc, des bons jusqu'aux plus mauvais penchants de vos collaborateurs à problème ? "Oui et non, répond le consultant Jean-Pascal Farges. Ce qu'il faut viser, c'est un progrès dans la relation, plus que chez le salarié lui-même. Car il ne faut pas se faire d'illusions, on ne change pas un adulte." encadré 4 pistes pour gérer un collaborateur des plus pénibles - Changer le contexte de travail... en remodelant une équipe, en proposant une mutation à la personnalité difficile, en réaménageant les bureaux. - Changer l'image que vous avez de lui... en essayant de ne plus lui coller une étiquette de "personnalité à problème". Pour y parvenir, tenter de dialoguer avec lui. - Changer la relation avec lui... en s'efforçant d'être tolérant et chaleureux dans l'espoir de l'amadouer et de l'amener à faire un effort pour corriger ses travers. - Edicter une charte de comportement... Les insupportables réaliseront à partir de quel seuil ils franchissent la ligne blanche. Riposte n° 3 tirer profit de ses traversCette évidence admise, est-il tout de même possible d'amener quelqu'un à changer de comportement sans lui demander de modifier sa personnalité ? Oui, parfaitement, assure la Cegos. Mais à condition de faire preuve d'une sacrée dose de bonne volonté. Un collaborateur vous fait des misères ? Le centre de formation vous suggère de faire évoluer ses conditions de travail en réorganisant l'emplacement des bureaux ou en lui proposant un autre poste. Antonio Duarte a tenté l'expérience avec l'un de ses ouvriers les plus revêches et il s'en félicite "Cet homme avait une conduite irrationnellement contestataire. On a joué à quitte ou double en lui donnant la responsabilité d'une équipe et son agressivité destructrice s'est muée en énergie constructive. Un vrai miracle !" Gérard Viquel a fait de même avec l'une de ses ouvrières. "De toute ma vie j'ai rarement vu un être humain aussi acariâtre, s'amuse ce chef d'entreprise. Une femme absolument invivable. Mais tellement efficace que, si l'on me propose d'en avoir 50 comme elle, je signe tout de suite. Alors on a trouvé une parade elle occupe un poste où elle n'est quasiment jamais en contact avec le reste du personnel. A part sa nièce, qu'elle supporte à peu près et qui fait le lien entre elle et le monde extérieur..." Astucieux, mais difficilement transposable à tous les caractériels du monde du travail. D'autant que ces conseils risquent de buter très vite sur l'un des effets secondaires des tempéraments difficiles ils sont rarement disposés à évoluer. Dans ce cas, il ne vous reste plus qu'à tirer discrètement parti de leurs "petits" travers. Votre comptable est un obsessionnel compulsif ? Tant mieux pour vos comptes, responsabilisez-le sur les procédures de contrôle. Le responsable qualité de votre usine se laisse aller à la paranoïa aiguë ? Ce n'est sans doute pas plus mal si vous l'orientez vers les principales zones à risque de votre champ d'activité. Restent les éternels et trop nombreux râleurs. Leur propension à chercher la petite bête est telle qu'ils ont le chic pour dénicher les points faibles d'un dossier. Pourquoi ne pas prendre alors l'habitude de les associer davantage à vos projets de développement. C'est aller un peu loin, pensent certains ? Peut-être. Mais souvenez-vous que, sans déviance ou remise en cause de l'ordre établi, aucune idée innovante n'aboutit jamais... Dix profils difficiles et...dix solutions !Du "hérisson" au psychorigide...Toutes les solutions pour travailler avec ceux que l'on dit ingérables. Le paranoïaque Il soupçonne les autres de mauvaises intentions et interprète comme hostiles les événements les plus anodins. Que faire ? Exprimez très clairement vos directives en respectant scrupuleusement les formes et en faisant souvent référence aux règlements et aux procédures. Le schizoïde Il se désintéresse des autres et se tient le plus possible en retrait des activités de groupe. Les critiques et les compliments n'ont presque aucune prise sur lui. Que faire ? Sans le laisser s'isoler complètement, permettez-lui de devenir un très bon expert au lieu de lui donner des responsabilités. L'anxieux Ses soucis sont trop fréquents et trop intenses par rapport aux risques réels qui peuvent exister dans le cadre de son activité. Que faire ? Ne lui faites pas partager inutilement vos propres sujets d'inquiétude et sachez l'utiliser comme un radar de détection des problèmes à venir. L'histrionique Il cherche à attirer l'attention et a un besoin intense de l'affection de son entourage. Il a tendance à idéaliser ou à dévaluer exagérément les autres. Que faire ? Ne vous laissez pas attendrir par ses tentatives de séduction souvent factices, mais montrez-lui de l'intérêt chaque fois qu'il a un comportement "normal". L'obsessionnel Exagérément attentif aux détails et aux procédures, il agit au détriment du résultat final. Son contact humain est souvent froid et formel. Que faire ? Sans ironiser sur ses manies, ne vous laissez pas entraîner trop loin dans son système. Chargez-le des contrôles et des finitions. Le narcissique Persuadé d'être exceptionnel et donc de mériter plus que ses collègues, il est intolérant à la critique et souvent prêt à manoeuvrer pour arriver à ses fins. Que faire ? Si vous tenez à le garder, sachez lui accorder quelques avantages nécessaires à sa bonne humeur. Mais soyez vigilant face à ses tentatives de manipulation. Le dépressif Minimisant l'aspect positif de toute bonne nouvelle, il éprouve peu de plaisir à exercer son métier et risque d'entraîner ses collègues dans son abattement. Que faire ? Pensez à le complimenter chaque fois qu'il est positif. Avec prudence, vous pouvez l'inciter à consulter un médecin. Le dépendant Ressentant le besoin d'être sans cesse rassuré et soutenu par son supérieur, il est incapable d'initier un projet mais acceptera facilement une besogne peu gratifiante pour se rendre agréable. Que faire ? S'il vous demande conseil, réclamez toujours son point de vue avant de lui répondre. Le passif-agressif Il critique exagérément les figures d'autorité mais de manière détournée. En étant volontairement inefficace et en se plaignant d'être incompris ou méprisé. Que faire ? Amenez-le à s'exprimer directement tout en lui faisant clairement remarquer que vous percevez son opposition passive. L'évitant Il s'abstient d'agir ou d'entrer en relation avec les gens tant qu'il n'est pas assuré de leur bienveillance inconditionnelle à son égard. Que faire ? Proposez-lui des objectifs de difficulté très progressive et montrez-lui que son avis vous importe. Quand la pression monteLe manager n'a pas pour rôle de modifier les personnalités pour les faire entrer dans un moule. Mais il se doit de contenir les débordements. Comment ? En adoptant une démarche inspirée de celle des coachs que nous avons rencontrés. Personne n'est agressif, anxieux, déprimé, narcissique ou paranoïaque à 100 %. Mais un excès de pression peut faire basculer quelqu'un en apparence équilibré dans la catégorie des personnalités difficiles. Un emmerdeur, c'est le produit, parfois explosif, d'une personnalité avec un contexte, un environnement, des jeux de pouvoir qui vont exacerber certaines tendances, qui seraient autrement restées enfouies. Dans l'environnement professionnel, de multiples facteurs peuvent faire qu'une personne disjoncte surcroît de travail, annonce de fusion, menace de licenciement... Plus que des personnalités difficiles, ce sont en réalité des comportements problématiques qui gravitent dans l'entreprise. Heureusement, car il est impossible de modifier une personnalité, du moins à l'âge adulte. On peut en revanche amener quelqu'un à comprendre qu'il n'a pas la bonne attitude et l'inciter à en changer. En s'inspirant de la démarche des coachs, dont la mission est souvent d'accompagner des personnes qui posent problème dans l'organisation. Aider à la prise de conscience et soigner la relationIl ne s'agit pas d'améliorer les personnes en tant que telles, mais uniquement leurs relations avec les autres, dans le contexte particulier de l'entreprise. Le coach a une fonction médiatrice. Il n'est pas là pour "traiter" une personnalité difficile, mais pour aider deux personnes à améliorer leurs relations. En clair, il ne s'agit pas d'améliorer les personnes en tant que telles, mais uniquement leurs relations avec les autres, dans le contexte particulier de l'entreprise. "Désigner un bouc émissaire, décréter que telle personne est impossible ou ingérable, c'est parfois éviter de s'interroger sur sa propre attitude. Si un dirigeant vient me trouver pour que je l'aide à gérer un collaborateur prétendument difficile, je commence par me demander ce qui bloque dans leur relation", témoigne un coach. Il n'est en effet jamais à exclure que le véritable pervers, dans une relation, ne soit pas celui qu'on croit. Il arrive que la "personnalité difficile" soit fabriquée par son manager, qui projette sur elle un certain nombre de stéréotypes "Il est nul", "paresseux" "hystérique", "C'est un tocard" auxquels la personne concernée finit par se conformer. Changer son regard sur quelqu'un peut, à l'inverse, suffire à le faire évoluer de manière positive. Les emmerdeurs n'ont pas conscience de gêner. Leur comportement s'exprime de façon compulsive et irrépressible pour eux, pas moyen d'agir autrement. Un consultant raconte l'histoire de Paul, numéro 2 d'une grosse PME. Un vrai "méchant", incapable de contenir son agressivité, qu'il déverse sur ses deux cents collaborateurs. Et même sur le dirigeant de l'entreprise. Son PDG l'a incité à travailler sur les signaux internes lui indiquant que la colère montait afin d'apprendre à se pour Albert, cadre dans l'Administration. Ce jeune homme disait toujours oui par-devant, mais ne faisait que ce qu'il voulait, si bien que son supérieur hiérarchique se trouvait continuellement en porte-à-faux. Son travail avec un coach lui a permis de comprendre que son attitude mettait son supérieur en échec, car il n'avait pas du tout perçu qu'il s'agissait d'un rapport de force. Albert s'est décidé à collaborer lorsqu'il a compris que la coopération pouvait servir à son évolution professionnelle. Débusquer les contradictions et donner du feed-backUne bonne explication des problèmes avec des détails sur les dysfonctionnements qu'entraîne ce comportement difficile n'est jamais superflue. Les emmerdeurs ont d'abord besoin d'une communication factuelle et concrète. Une bonne explication sur les problèmes, les dégâts et les dysfonctionnements qu'ils causent n'est jamais superflue. Ainsi, à un salarié "anxieux", que l'amour du travail bien fait amène à rendre ses dossiers systématiquement en retard, une consultante suggère d'opposer des limites claires en matière de qualité de travail exigée. Dire, par exemple "Nous voulons tel niveau de précision, au-delà c'est du temps perdu" peut permettre de débloquer la situation. Lorsque l'on pointe les contradictions entre ce que disent, ce que font et ce que pensent les gens, cela met en lumière leurs responsabilités dans les conflits, et les conduit à modifier leur attitude. Acceptez, par exemple, les objections incessantes d'un collaborateur seulement lorsqu'elles sont accompagnées de propositions. Les critiques devraient se faire beaucoup moins courantes. Valoriser les points forts et éviter de normaliserOn est d'autant plus persuasif que s'appuie sur des zones sensibles. Mais en s'obstinant à essayer de changer quelqu'un pour le faire, coûte que coûte entrer dans un cadre, on risque de se priver de son originalité Lorsque l'on tente de convaincre quelqu'un de changer de comportement, on est d'autant plus persuasif que l'on joue sur sa corde sensible, son point fort. Regardez les "hyperactifs". Ils débordent d'énergie. Mais stressent leurs collègues à force de leur demander d'abattre la même somme de travail qu'eux. Pour les coincer, il faut se placer sur leur registre en leur proposant un nouveau même, pour persuader un "narcissique" de ne plus excéder son entourage, il faut parfois lui expliquer qu'à force d'en faire des tonnes il risque de provoquer le courroux de ses collègues. Or les personnalités narcissiques aiment fondamentalement les autres. Elles ont besoin de leur regard et de leur reconnaissance. C'est le type même de personnes qui ne supportent pas la solitude. Expliquer à un "clown" ce qui lui pend au nez peut ainsi le rendre moins perturbant. Le grand casting des emmerdeursMonomaniaque du mail, accro du portable, anxieux, hyperactif, parano, narcissique, méchant, déprimé, rebelle ou lâche, apprenez à les connaître pour travailler avec eux dans de meilleures conditions. > LE MONOMANIAQUE DU MAIL Morpheus dans Matrix 12 h 15 T'as fini le dossier ? 12 h 30 Tu devais me le remettre à 12 h... 12 h 45 Où en es-tu ? Trois mails en trois quarts d'heure, et c'est loin d'être fini... Il y a quelques années, il aurait passé autant de fois sa tête dans votre bureau, ou vous aurait passé trois coups de fil. Car le problème de ce mailer fou, c'est plus l'angoisse que l'appel du clavier. Pour le calmer, envoyez-lui une réponse très impersonnelle, du type "j'ai bien pris en compte ta demande". Mais si les mails prennent une tournure un peu agressive, mieux vaut demander à le rencontrer pour parler face à face du malaise qu'il cause. > L'ACCRO DU PORTABLE* Jack Bauer dans 24H "Bidibidibi... Vrrrrrrrrrrrr..." en mode sonnerie ou - soi-disant plus discret - vibreur, l'accro du portable se repère très vite dans les réunions et les bureaux. Mais pourquoi ne décroche-t-il donc jamais dans un sens ? Il peut y avoir quelques raisons valables la frime, la peur de manquer une opportunité s'il ne décroche pas, ou l'impolitesse, tout simplement. Afin qu'il arrête de perturber le travail en équipe, on peut lui lancer un regard appuyé, sourcils froncés, lui indiquant la gêne qu'il procure. Si cela ne suffit pas, il faudra alors imposer dès le début d'une réunion ou à tout moment de travail important, la règle simple qui s'impose aux spectacles "Merci d'éteindre vos portables" ! ** Voir Gérer les personnalités difficiles au travail, Annie Weisz, 2006, ed. Maxima. > L'ANXIEUX Thierry Lhermitte dans Le Père Noël est une ordure Les anxieux, obsessionnels, perfectionnistes, procéduriers, voire maniaques se focalisent volontiers sur de petits détails. Comme ils ont besoin de sécurité, ils se raccrochent à des rituels, vivent dans la routine et supportent très mal le changement. Ils sont gênés lorsqu'il leur faut prendre des décisions seuls et sollicitent des avis extérieurs. Pour valoriser leurs points forts, il faut les charger des contrôles et des finitions, mais sans entrer dans leur système. > L'HYPERACTIF Jean-Paul Belmondo dans Flic ou voyou Les hyperactifs, forces de la nature, ont besoin d'action, de travail à abattre et de compétition. Souvent drogués du boulot, ces névrosés veulent tout régenter et contrôler. Peu délicats, ils aiment les disputes, sont parfois gaffeurs et... très stressants pour leur entourage. Il faut les mettre au défi de se calmer et leur rappeler les objectifs de l'entreprise, lesquels sont plus importants que leur ego. > LE PARANO Alain Delon dans Le Samouraï Les paranos. Méfiants, ils ne font confiance à personne et interprètent de travers les événements les plus anodins. "On veut me piquer ma place" est leur leitmotiv. Du coup, ils gardent l'information pour eux, ont beaucoup de mal à déléguer, ne comprennent pas le jeu collectif et ne savent pas travailler en équipe. Il faut toujours communiquer avec eux de façon très rationnelle en faisant référence aux règlements et aux procédures. > LE NARCISSIQUE José Garcia dans Rire et châtiment Les narcissiques ont constamment besoin d'attirer l'attention sur eux pour susciter l'affection de leur entourage. Très désorganisés, ces "clowns", ou histrions, se comportent comme des "brasseurs d'air" qui perturbent le travail des autres. Il ne faut pas entrer dans leur jeu de séduction, mais leur faire comprendre qu'ils risquent de lasser leurs collègues et donc d'obtenir exactement l'inverse de ce qu'ils cherchent. > LE MÉCHANT Louis de Funès dans Les Aventures de Rabbi Jacob Les méchants, agressifs, autoritaires, égocentriques, sont pervers et persécuteurs. La moindre contrariété devient prétexte à faire une scène ou à entrer dans une colère noire. Ils s'en prennent à tout le monde, mais prennent plaisir à humilier quelques souffre-douleur choisis. La solution rester calme, ne pas se mettre en colère et surtout leur apprendre à se maîtriser. > LE DÉPRIMÉ Michel Blanc dans Viens chez moi, j'habite chez une copine Les déprimés. Chez eux, rien ne tourne jamais rond. Véritables "martyrs" du bureau, ils geignent en permanence et voient la vie en noir. Ils passent davantage de temps à se plaindre de leur travail qu'à s'activer. Ils se prennent pour des victimes et se diront volontiers "harcelés" si on leur en demande trop. De vrais boulets. Rester attentif malgré tout. Dans le lot de leurs complaintes, certaines sont peut-être justifiées... > LE LÂCHE Gérard Jugnot dans Papy fait de la résistance Inhibés, sournois, ce sont des savonnettes. Comme ils ont un mauvais rapport à l'autorité, ils ne disent jamais non mais traînent les pieds pour faire ce qu'on leur demande. Quand ils critiquent, c'est toujours de manière détournée. Il faut exiger d'eux plus de coopération en insistant sur le fait qu'ils mettent les autres en échec. > LE REBELLE Coluche dans La Vengeance du serpent à plumes Toujours dans la critique, le dénigrement, le conflit, ils sont perpétuellement en révolte. Provocateurs, les rebelles sont les rois du contre-pied pour avec ceux qui sont contre et contre avec ceux qui sont pour. Mais leurs réflexions sont souvent gratuites, chargées d'affectivité, et leurs arguments, peu pertinents. Ces êtres immatures au comportement puéril sont usants ! Mieux vaut n'accepter que leurs critiques accompagnées de propositions. Les plus lus OpinionsLa chronique du Pr Gilles PialouxPar le Pr Gilles PialouxLa chronique de Pierre AssoulinePierre AssoulineEditoAnne RosencherChroniquePar Gérald Bronner
comment ne plus être un bouc émissaire